En regardant les photographies de Germaine Krull (née en 1897 en Pologne de parents allemands, décédée en 1985 en Allemagne), on est autant impressionné par l’artiste et ses reportages novateurs et audacieux que par la femme, libre, engagée, aventureuse, voyageuse, amoureuse qu’on y découvre…Chacune indissociable de l’autre.
Après une enfance chaotique et une jeunesse d’activiste bolchéviques dans l’Allemagne de 1919, c’est à Paris qu’elle vient réaliser son destin de photographe, sans cesse inventive, s’adaptant à tous les thèmes avec le même engouement. Qu’elle photographie des nus féminins, des architectures métalliques (ses « fers »), des automobiles (elle adore la vitesse) des clochards parisiens ou les « Manousch » de Bagnolet, elle surprend à chaque fois par sa proximité et son empathie avec le sujet, par les angles de vue inusités, les cadres saisissants, parfois assez peu réalistes comme ces montagnes de choux-fleurs (Les Halles de nuit, 1920) ou ce bas d’immeuble (Au bon coin, 1929), pris en plongée vertigineuse. Elle flirte avec le surréalisme comme dans son étonnante série sur les mains (Visage à trois mains, 1931), ou ce visage de femme qui se superpose à deux silhouettes féminines ; une étude publicitaire pour Paul Poiret (1926). Pourtant, son engagement photographique sera toujours à l’opposé d’une revendication esthétique. Ce qu’elle veut, c’est être « le témoin de tous les jours », un reporter qui sait regarder.
Durant la guerre, Germaine Krull se met au service de la France libre, est envoyée à Brazzaville pour fonder un service de propagande photographique, parcourt l’Afrique, rejoint Alger où elle photographie De Gaulle, participe au débarquement Sud avec les Troupes de De Lattre, puis participe à la bataille d’Alsace. En 1946, c’est à Bangkok qu’on la retrouve dans un rôle inattendu : gérante d’un grand hôtel international ! Puis elle repart sur les routes, en Indes notamment, défendre les Tibétains en exil, avant de rentrer en Allemagne, définitivement. Un fabuleux destin à découvrir.
Catherine Rigollet
Visuel page expo : Germaine Krull, Étude pour la Folle d’Itteville, 1931. Tirage gélatino-argentique, 21,9 x 16,4 cm. Achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret. Centre Pompidou, Paris. Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Guy Carrard.
Visuels page d’accueil : Germaine Krull, André Malraux, 1930. Germaine Krull — Architecture ancienne : imprimerie de l’Horloge, 1928.