Durant toute sa carrière l’artiste canadien Jeff Wall (né à Vancouver en 1946) n’a eu de cesse de documenter son époque par la déconstruction et la recomposition rigoureuse d’images du réel. Depuis la fin des années 1970, il a largement contribué à établir la photographie en tant que médium autonome, et est considéré comme l’un des initiateurs de la « staged photography » (photographie mise en scène), une démarche photographique qui prend le contre-pied de l’instantané photographique puisqu’il s’agit de recréer de toutes pièces des « scènes photographiques » (tel son célèbre Milk (1984), ceci à travers un processus de mise en scène méticuleux, parfois avec des moyens considérables et une collaboration avec des acteurs.rices.
Ses photographies grand format, sont composées de manière complexe et subtile à partir de nombreuses prises et font référence à la vie quotidienne, mais aussi à la littérature, au cinéma et à l’histoire de l’art. Une vaste palette de sujets et de thèmes où la beauté côtoie la laideur, où l’ambiguïté n’est jamais loin.
Quelque 55 œuvres (dont plusieurs données à voir pour la première fois) sont réunies dans l’exposition de la Fondation Beyeler, dont des grandes diapositives dans des caissons lumineux, des photographies noir et blanc et des tirages en couleur. L’exposition s’ouvre avec la juxtaposition de deux œuvres emblématiques de 1999 : Morning Cleaning, Mies van der Rohe Foundation, Barcelona (qui montre les préparatifs matinaux effectués dans le célèbre pavillon avant l’arrivée des premiers visiteurs) et A Donkey in Blackpool, un âne au repos dans une étable. Deux univers particulièrement éloignés sur le plan social et culturel. Au fil de douze salles d’exposition, des œuvres récentes tissent un riche dialogue thématique et formel avec des travaux emblématiques des débuts de l’artiste, tout en proposant de nombreuses comparaisons et juxtapositions de ce type.
C.R