Sur la route des phares de Bretagne. Un patrimoine à sauvegarder

La Bretagne compte près de la moitié des 130 phares en service du littoral de la France métropolitaine. Jusqu’à ce jour ces phares français étaient notoirement sous-représentés au sein du corpus des monuments historiques. Longtemps, seul le prestigieux phare de Cordouan, en Gironde, œuvre magistrale de la Renaissance et de la fin du XVIIIe siècle et quelques tours plus anciennes, éteintes depuis longtemps, étaient classés au titre des monuments historiques.

En juillet 2009, le Grenelle de la mer a annoncé la mise en place d’une politique de valorisation des phares, dont l’intérêt patrimonial et touristique est indéniable. Trente-quatre phares en activité ou anciens phares ont été classés et quarante inscrits par la Commission nationale des monuments historiques, réunie en novembre 2010 puis en juin 2012, dont douze en Bretagne édifiés entre 1700 et 1950. L’un des critères déterminants pour la protection a été la « possibilité » d’ouvrir au public ces monuments. Voici sept phares à découvrir au fil d’une balade sur les côtes bretonnes, particulièrement en Finistère qui possède les plus mythiques.

Le phare du Stiff. Le plus ancien

Construit en 1700, c’est le plus ancien des phares bretons. De cette époque datent les phares des Baleines sur l´île de Ré et de Chassiron sur l´île d´Oléron, construits sur le même modèle. Avec sa double tour tronconique, le phare du Stiff signale l’entrée du goulet de Brest (Finistère) et surveille l’entrée de la Manche au nord ouest d’Ouessant. Il a failli être vendu par les services de l’Etat en 2002. Grâce à l’action de la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises, il a finalement été classé monument historique en 2010.

Le phare du Créac’h. Le plus puissant d’Europe

À Ouessant, cinq phares (Le Stiff, Kéréon, Nidivic, La Jument et Créac’h) veillent sur l’île la plus à l’ouest de France. Identifiable par sa tour de 55m barrée de bandes blanches et noires, le phare du Créac’h a soufflé ses 150 bougies le 20 décembre 2013. Inauguré en 1863, après trois ans de chantier, il a été érigé afin d’éviter aux marins toute confusion entre les deux extrémités de l’île d’Ouessant. Classé Monument Historique en 2011, c’est l’un des phares les plus puissants du monde avec une portée de près de 60 kilomètres. Situé au pied du Créac’h, le musée des Phares et Balises retrace l’histoire de la signalisation maritime dans l’ancienne salle des machines de la centrale électrique du phare où de magnifiques pièces d’optique, des maquettes et la reconstitution de la chambre des gardiens du phare d’Ar-Men témoignent de l’épopée des hommes qui ont rendu possible la navigation sur toutes les mers du globe.

Le phare de Saint-Mathieu. Le plus extrême

À la pointe Saint-Mathieu, à l’extrémité du Finistère, là où les falaises abruptes sont balayées par les vents et la mer d’Iroise, un phare imposant veille sur les ruines d’une ancienne abbaye du XIe siècle, placée dès le début sous la protection de saint Mathieu, apôtre évangéliste. Son culte se développe, en particulier lorsque l’abbaye reçoit une partie du crâne du saint en 1206. De l’abbaye, devenue bien national en 1791 et Monument classé depuis 1867, il subsiste aujourd’hui la façade romane, les voûtes de pierre du chœur, les arcades de la nef et le souvenir qu’au XIIIe siècle, les moines allumaient un feu dans une tour de l’Abbaye pour guider les marins. Allumé depuis 1835 et classé monument historique depuis novembre 2010, le phare culmine à 37 mètres. Il faut gravir les 163 marches pour admirer la vue sur les écueils des Vieux Moines et la chaussée des Pierres noires. Mais quel panorama !

Le phare de l’Île Vierge. Le plus haut d’Europe

En longeant le littoral vers le nord, on aperçoit au large de Plouguerneau le phare de l’île Vierge. Classé monument historique en 2011, ce phare du Finistère, posté à l’embouchure de l’Aber-Wrac’h, à 2 km de la côte, est le plus haut d’Europe en pierres de taille (82.5 mètres, 365 marches). Une fois à l’intérieur, vous pourrez admirer ses 12 500 carreaux d’opaline bleue installés lors de sa construction (1897-1902), pour lutter contre la condensation sur les parois de la tour.

Le phare de Fréhel. L’héritier de Vauban

Phare maritime des Côtes-d’Armor, le plus récent des trois phares de Fréhel a été construit de 1946 à 1950 sur la pointe du cap Fréhel, à près de 70 m au-dessus des flots, Il éclaire et sécurise le passage de la baie de Saint-Brieuc vers la rade de Saint-Malo très difficile d’accès car battue par les vents. Classé monument historique en 2011, il succède à deux constructions plus anciennes implantées sur les mêmes lieux, dont une première, la ronde tour Garangeau en pierres de taille (également classée MH), érigée en 1702 à l’initiative de Vauban commissaire général des fortifications de Louis XIV qui a déjà plusieurs autres constructions de phares à son actif, dont celui de Stiff à Ouessant. Le deuxième phare, construit en 1845-1847, sera dynamité par les Allemands en 1944.

Le Goulphar. Le plus puissant

Augustin Fresnel, célèbre architecte et fondateur de l’optique moderne, pose lui-même la première pierre du phare en 1824, sur la côte ouest de Belle Île. Mais il faudra soixante-dix ans pour terminer cette tour en granit capable de résister à des vents de plus de 400 kilomètres/heure, et qui a nécessité l’acheminement par bateau de centaines de tonnes de blocs de pierre granitique en raison de l’absence totale de cette roche sur cette île constituée de schiste. Culminant à 52,25 mètres, il faut gravir ses 247 marches pour accéder à un panorama exceptionnel, qui par temps clair s’étend jusqu’à l’Île de Groix et Lorient. D’une portée de 48 kilomètres, automatisé depuis 2002, ainsi que les autres feux de l’île : les pointes des Poulains et de Kerdonis, les ports de Le Palais et Sauzon. Situé à Kervilahouen, le Goulphar est classé monument historique en 2010.

Le phare d’Ar-Men. « L’Enfer des enfers »

Le phare d’Ar-Men est certainement l’un des plus célèbres de France en raison de son éloignement des côtes françaises, des conditions apocalyptiques de la construction de cette œuvre titanesque de 37 mètres de haut et du danger qu’il y avait à relever son personnel. Construit entre 1867 et 1881 sur le minuscule rocher d’Ar-Men (105 m2), ilot de l’île de Sein battu en permanence par les rafales de vent et les coups de boutoir de la houle destructrice, ce phare ne sera véritablement terminé qu’en 1902 et très vite surnommé « L’Enfer des enfers » par les gardiens qui y séjournaient, par équipes de deux, dans des conditions aussi spartiates que dangereuses, jusqu’à son automatisation en 1990. L’épopée de ce phare qu’Henri Queffelec a relatée dans Un feu s’allume sur la mer va-t-elle s’arrêter faute d’entretien ? Ce phare de grand intérêt patrimonial se dégrade à la vitesse du vent qui souffle et risque de disparaître dans les flots.

Il n’est pas le seul phare à être en danger.

Depuis plusieurs années, avec l’automatisation des feux, les phares ont perdu leurs gardiens et cet abandon se traduit souvent par un manque d’entretien. Des associations, des collectivités ou des particuliers prennent la relève et s’engagent dans la préservation et la valorisation de ce patrimoine.

Catherine Rigollet (2014)

Visuels : Phare de la Pointe St Mathieu ©CRT de Bretagne. Phare du Créac’h. ©CRT de Bretagne. Phare de l’Ile Vierge. ©CRT de Bretagne. Intérieur du phare de l’Ile Vierge. Phare d’Ar-Men. Vue générale des deux phares de Fréhel (la tour de 1700 et le phare de 1950). Photo Guy Prigent. Inventaire général du patrimoine culturel de Bretagne.

Phares de la Pointe St Mathieu

Phares de la Pointe St Mathieu

Phare du Créac’h

Phare du Créac'h

Phare de l’Ile Vierge

Phare de l'Ile Vierge

Intérieur phare de l’Ile Vierge

Intérieur phare de l'Ile Vierge

Phare d’Ar-Men

Phare d'Ar-Men

Phares de Fréhel

Phares de Fréhel
Infos pratiques

 Phare du Stiff (Ouessant)
Ouvert chaque été et durant les vacances scolaires
104 marches
Ouessant - Tél : 02 98 48 80 21
www.ot-ouessant.fr

 Le phare du Créac’h et le musée des phares et balises (Ouessant)
Tél. 02 98 48 80 70.

 Le phare de Saint-Mathieu (Brest)
Plougonvelin - Tél : 02 98 89 00 17
www.pays-iroise.com

 Le phare de l’Île Vierge (Plouguerneau)
Le phare est accessible en bateau d’avril à octobre
et à pied les jours de très grand coefficient de marée
(retour en bateau).
Tel. 02 98 37 13 35.

 Le phare de Fréhel (St Cast/St Malo)
145 marches. Ouverture de fin mars à fin septembre.
Plévenon. Tél. 02 96 41 43 06.
www.plevenon.fr

 Le Goulphar (Belle Ile)
Office de Tourisme de Belle Ile.
www.belle-ile.com

 Le phare d’Ar-Men (Ile de Sein/Pointe du Raz)
Ne se visite pas.
www.pharesetbalises.org


 Pour en savoir plus sur les phares de France :
www.pharesdefrance.fr

 Pour en savoir plus sur l’état des phares : Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPPB).
www.pharesetbalises.org