De Proust à Jules Verne. Une nouvelle fenêtre ouverte sur la Belle Epoque

Chaque printemps, depuis son ouverture en 2021, la Villa du Temps retrouvé propose un nouvel accrochage, faisant revivre l’esprit de la Belle Époque, au temps où Proust venait en villégiature au Grand Hôtel de Cabourg-Balbec. Si pour cette quatrième saison la scénographie ne change pas avec ses salons à la décoration délicieusement surannée de fauteuils en velours, bibliothèque où l’on peut feuilleter les livres en songeant à cette assertion de Proust : « il semble que le goût des livres croisse avec l’intelligence », piano sur lequel on peut jouer l’imaginaire sonate de Vinteuil et cadres photographiques dans lesquels sont projetés des petits films en noir et blanc grâce à un astucieux dispositif numérique…les tableaux exposés aux murs sont en grande partie renouvelés.

Vuillard à Amfreville

Un clin d’œil à l’événement « Normandie Impressionniste » ouvre le parcours 2024, avec un portrait de femme plein de prestance signée de Louise Abbéma (Femme et chien sur la plage, gouache, 1880). Il est suivi d’un tableau de Bonnard représentant La Seine à Vernon et de quatre œuvres de Vuillard, dont Fauteuils rouges (1903-1904) qui semble avoir été peint dans le salon même où nous le découvrons. Proust a rencontré Édouard Vuillard en 1907 à Amfreville, où le peintre passe ses vacances, et l’écrivain s’en est en partie inspiré pour créer son personnage d’Elstir d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919).
Autre nouveauté 2024, un regard porté sur l’enfance avec notamment des œuvres de Paul-César Helleu, ami de Proust et autre inspirateur d’Elstir, qui aimait croquer ses jeunes enfants, autant que les élégantes sur la plage. Familier de Proust, toujours très présent chaque année dans le parcours, Jacques-Emile Blanche, amoureux de la Normandie et surtout portraitiste raffiné a immortalisé toutes les célébrités de son époque dont Proust lui-même, mais encore Max Jacob, Jeanne Mauriac ou encore Bourdelle (Étude pour le portrait de Bourdelle, 1923). En collaboration avec le musée Bourdelle (Paris), le sculpteur est mis à l’honneur dans plusieurs œuvres affranchies de l’esthétique de son maître Rodin comme ce Portrait d’Anatole France (bronze, 1919) et cette Pénélope sans fuseau (bronze, 1905-1907), sculptée comme une colonne dorique.

Les tempêtes de Davide Cayola

Après David Hockney en 2021, Adel Abdessemed en 2022, et Yan Pei-Ming en 2023 (son portrait de Proust spécialement créé pour la Villa du Temps retrouvé est présenté), l’artiste Davide Quayola (né en 1982 à Rome) est l’invité contemporain du parcours d’exposition 2024. D’une grande maîtrise des techniques numériques, l’œuvre de Quayola oscille en permanence de l’art à la nature, de la peinture au végétal et s’inscrit dans une relecture contemporaine de l’impressionnisme. Avec sa série Storms, ses tableaux numériques (impression sur papier) explorent la limite entre figuration et abstraction. Dans sa vidéo Storm #8, l’artiste évoque le grand désir qu’avait Proust de voir une tempête sur la mer. Belle surprise avec une série de lettres écrites par Proust depuis Cabourg où il séjourna tous les étés, de 1907 à 1914 et d’amusants petits dessins de l’auteur d’À la recherche du temps perdu. Un prêt prestigieux de la collection du médecin Reiner Speck, fondateur et président de la Société allemande Marcel Proust depuis 1982.

De Proust… à Jules Verne

Né en 1828 et mort en 1905, Jules Verne fut le témoin d’une période de transition absolument extraordinaire et ses romans nous disent à la fois le niveau des inventions à la Belle Époque et imaginent le futur qui faisait alors rêver ses lecteurs. Sans doute par manque d’une nouvelle thématique forte dans le parcours permanent, les commissaires ont opté cette année pour mettre en avant sur l’affiche l’exposition temporaire dédiée à Jules Verne, présumant d’un nom qui fera accourir un large public, notamment familial. Mais, autant la très réussie exposition temporaire de 2023 consacrée à « Max Linder (1883-1925), le génie comique qui inspira Chaplin » suscita la fascination, autant cette succession d’affiches, de couvertures de livres de la collection Hetzel, d’objets (une maquette du Nautilus, une courte vidéo immersive, un casque de scaphandrier…), censée nous faire voyager dans l’imaginaire de science-fiction de Jules Verne, ne fait pas rêver. On reste à quai.

Catherine Rigollet

Archives expo en France

Infos pratiques

Du 2 mars au 11 novembre 2024
Villa du Temps retrouvé
15, avenue du Président R. Poincaré - 14390 Cabourg
Tous les jours, sauf lundi
11h-13h et 14h-18h
11h-18h en juillet et août
Tarifs : 9€/7€ - gratuit moins de 18 ans
Tél. 02 31 47 44 44
https://villadutempsretrouve.com/


Visuels :

 Vue de la Villa du Temps retrouvé.

 Louise Abbéma, Femme et grand chien sur la plage, 1880. Gouache sur papier. Galerue Ary Jan, Paris.

 Pierre Bonnard, La Seine à Vernon, 1915. Huile sur toile, 80 x 68 cm. Musée des Impressionnistes, Giverny.

 Marcel Proust, lettre adressée à son ami André de Fouquières depuis Cabourg, manuscrit, 24 septembre 1910.

 Marcel Proust, Portrait d’homme, sans date. Manuscrit. Bibliotheca Proustiana Reiner Speck.

 Yan Pei-Ming, Portrait de Marcel Proust, 2023. Huile sur toile. Courtesy de l’artiste. Et Antoine Bourdelle, Portrait d’Anatole France, 1919, bronze ; Musée Bourdelle, Paris.

 Vue de l’exposition Jules Verne avec coupe et maquette du Nautilus.

 Capture d’écran, film immersif réalisé par le studio NOOVAE.

Photos © L’Agora des arts.