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A pied d’oeuvre(s)

C’est dit sur l’affiche : des œuvres prêtées par le Centre Pompidou “atterrissent” à La Monnaie. On s’attend donc à des œuvres à terre, au sol, dans la continuité du geste de Duchamp fixant au sol un porte-manteau. Œuvres, plutôt que sculptures, qui s’affranchissent du socle, de la verticalité, des matériaux nobles traditionnels (le papier toilette rose de Michel Blazy est à coup sûr plus chaud et malléable), et se posent à terre, y compris la vidéo de Pipilotti Rist que l’on foule gaiement.

Il y a deux sortes d’œuvres dans cette exposition. Celles que l’on regarde à ses pieds, et celles accrochées sous les moulures. Au nombre des premières, Hexagone de 4 segments, 1974, de Carl André, mais interdit de marcher sur ses tiges d’acier comme on le fait sur ses carrés. Jean-Luc Vilmouth entoure un marteau de milliers de clous, Interaction avec marteau et clous, 1980 (hommage à Bricorama ?). Parce qu’on lui impose de marcher sur les milliers de mots “vivre” tracés à la craie sur le parquet d’une salle par Jochen Gerz, le visiteur se retrouve complice de la destruction annoncée de l’œuvre. L’artiste serait-il allergique à ce qui dure ? L’œuvre très « othonielesque » de James Lee Byars utilise 1000 boules de verre rouge pour créer une arabesque spectaculaire alors que la spirale d’objets aux formes basiques en divers matériaux banals de Tony Cragg, Opening Spiral, 1982, manque de séduire. Le corps humain, l’un des sujets favoris de la sculpture, fait son entrée non pas au sol mais sur les murs, grâce à des photos et vidéos. Que ce soit une performance d’une jeune Orlan, mesurant une rue ou un espace en utilisant son corps comme étalon, ou de Valie Export qui moule son corps autour de certains éléments du décor urbain.

On ne peut passer sous silence les trois œuvres qui “synthétisent le basculement à l’horizontal de la sculpture”. Le porte-manteau de Duchamp mentionné plus haut, La femme égorgée, 1939-40 œuvre kafkaïenne et violente de Giacometti posée au sol, et RP3 Ci-gît l’Espace, 1960, d’Yves Klein qui réunit une éponge bleue, un feuille et quelques pétales d’or, et un petit bouquet de roses de tissu, ses matériaux favoris, à l’horizontale, à quelques centimètres du sol.

Pour illustrer cette intimité entre la sculpture et le sol, on aurait pu choisir mille autres œuvres contemporaines. Choix de quelques unes seulement, élasticité de la définition qui permet d’inclure photos et vidéos, l’argument ne convainc pas vraiment ! Une délocalisation qui ne s’imposait pas, même pour fêter le quarantième anniversaire du Centre Pompidou.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Michel Blazy, Sans titre, 1993-1994 (détail). Papier toilette rose. Dimensions variables. Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne. Centre de création industrielle, Paris. ©Martin Argyroglo / Monnaie de Paris ©Adagp.
James Lee Byars, Red Angel of Marseille, 1993. Verre 11 x 1100 x 900 cm diamètre des boules : 11 cm. Centre National des arts plastiques en dépôt au Centre Pompidou.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 31 mars au 9 juillet 2017
Monnaie de Paris
11 Quai de Conti - 75006 Paris
Du mardi au dimanche, 11h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée : 10€
www.monnaiedeparis.fr