Grâce au galeriste et historien d’art Fréderic Damgaard et à sa galerie ouverte dans l’ancienne Mogador (Maroc) en 1988, les artistes d’Essaouira, ces “singuliers de l’art” (dixit Jean-Hubert Martin), autodidactes, souvent issus des couches populaires, sont maintenant connus. Parmi eux, Abdelmalek Berhiss qui montre à la galerie 5 Contemporary à Paris une quinzaine d’œuvres. L’artiste souiri (né en 1971) entra à la galerie Damgaard alors qu’il n’avait que 19 ans. Ouvrier agricole, d’un tempérament solitaire, il crée des œuvres colorées où se mélangeaient, sans même que l’artiste en ait conscience, archétypes et symbolique des formes artistiques ou des spiritualités de civilisations lointaines. Comme les aborigènes d’Australie, Berhiss utilise un pointillisme minutieux, comme les civilisations précolombiennes, des êtres où se mêlent zoomorphisme et anthropomorphisme, chimères ou monstres peut-être. Berhiss, comme ses pairs souiris, usait à ses débuts d’une palette de couleurs primaires. Ici, il joue avec des couleurs plus pastel, des gris, des camaïeux de jaune, de vert, des courbes douces, des biomorphes, des fonds constellés de points. Deux céramiques aériennes, et une bouteille de gaz solitaire peinte en couleurs vives, complètent ses peintures. Berhiss nous fait entrer dans un monde onirique qui prolonge ce que nous connaissons – trop mal encore – de l’essentiel de la culture, de la musique et de la spiritualité marocaines.
Elisabeth Hopkins
Visuel : Abdelmalek Berhiss, « Untitled ». Courtesy Galerie 5 Contemporary)