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Londres. Abstract Expressionism

Ils étaient peintres, sculpteurs ou photographes, avaient vécu la Grande Dépression et la 2e Guerre Mondiale, et voulaient explorer leur relation à ce monde de l’après-guerre et lui opposer leur liberté de penser et de créer. Parce que leur palette utilisait les couleurs intenses de l’Expressionnisme allemand, et parce qu’ils n’étaient pas figuratifs, un critique astucieux leur colla l’étiquette “Expressionnistes Abstraits”. On était en 1946.

Cette formidable exposition (la dernière de cette envergure remonte à 1958) illustre comment chaque artiste de ce mouvement informel et protéiforme finit par se forger un style propre, le rendant aisément identifiable et difficilement imitable. Cette bannière expressionniste et abstraite, essentiellement new-yorkaise, sous laquelle on rassemble les peintres, qu’ils s’y reconnaissent ou non, compte pourtant quelques artistes sur la Côte Ouest, comme Sam Francis. Dans les 150 œuvres –toiles et œuvres sur papier principalement – on retrouve les célébrités : Jackson Pollock, Mark Rothko, Clyfford Still, Robert Motherwell, Franz Kline et Willem de Kooning, ainsi que les femmes qui sont loin de jouer les utilités, Joan Mitchell, Lee Krasner (Pollock’s wife), Helen Frankenthaler et Janet Sobel. On en découvre d’autres qui, avec deux ou trois œuvres seulement, attisent notre curiosité, tel Conrad Marca-Rolli, alors même qu’à chaque “major”, il est consacré une salle entière.

On a parfois comparé cette conflagration picturale au jazz. Mêmes improvisations, même équilibre entre spontanéité et contrôle du geste. Mais les techniques varient. Pendant que Rothko, Barnett Newman et Clyfford Still avec ses verticalités perfectionnistes, travaillent les “color fields”, d’autres se livrent à l’ “action painting”, ou à la peinture gestuelle : Pollock et son fameux “dripping”, Kline et ses grands coups de pinceau musclés. À la couleur des uns, s’oppose le noir de Motherwell ou de Franz Kline. Comme Pollock, la plupart des artistes abandonnent le point focal, et pratiquent le “all-over” débordant parfois sur le bord de la toile. On reste néanmoins dans le monumental et dans l’abstrait, même si de Kooning débute avec des visages de femmes et si Philip Guston finit avec des représentations d’objets.

La vitalité des œuvres est grisante. On aimerait en citer des dizaines, mais on en retiendra une demi-douzaine : l’immense et gestuel Mural (1943), commandé par Peggy Guggenheim à Pollock ; la surprenante Villa Borghese (1960), de Willem de Kooning, aux tonalités de Méditerranée balayées sur la toile en larges mouvements, souvenir de Rome où il passa quelques mois ; Midnight Blue (1970), de Barnett Newman, céruléen, océanique et nocturne ; No. 15 (1957), de Rothko, encore lumineux et loin de l’obscurité dans laquelle sa palette sombrera. Et ne faites surtout pas l’impasse sur les sculptures (il les appelait “dessins dans l’espace”) métalliques et aériennes de David Smith, qui fleurissent au centre de chacune des salles.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Mark Rothko, No. 15, 1957. Oil on canvas, 261.6 x 295.9 cm. Private collection, New York ©1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko ARS, NY and DACS, London.
Willem De Kooning, Woman II, 1952. Oil, enamel and charcoal on canvas, 149.9 x 109.3 cm. The Museum of Modern Art, New York. Gift of Blanchette Hooker Rockefeller, 1995. © 2016 The Willem de Kooning Foundation / Artists Rights Society (ARS), New York and DACS, London 2016. Digital image (c) 2016. The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 24 septembre 2016 au 2 janvier 2017
Royal Academy of Arts
Burlington House, Piccadilly
London W1J 0BD
Ouvert 7 jours/7, de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h
Entrée : £17, incluant audio-guide
www.royalacademy.org.uk

 

 Si vous ne pouvez vous rendre à Londres, l’exposition sera visible au Museo Guggenheim de Bilbao, du 3 février au 4 juin 2017.