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Anselm Kiefer. L’alchimie du livre

Avant que ne s’ouvre le 16 décembre la grande exposition consacrée à Anselm Kiefer au Centre Pompidou, il faut absolument voir ses livres d’artiste (plus de la moitié de son travail, dit-il), mis en scène dans une reconstitution partielle de sa propre bibliothèque, à la BnF (site François-Mitterand).
Une bibliothèque pour géant, avec des livres uniques aux formats variés, aux pages de carton, de plâtre ou de plomb, et où sable, tissus, plantes et photos tiennent lieu d’encre d’imprimerie. Sur les étagères, ces livres qui, selon Kiefer, « sont de véritables sculptures, plus grands que la taille humaine, ouverts mais impossibles à feuilleter. » D’autres, plus maniables, sont ouverts dans des tables-vitrines. Ils alternent avec une dizaine de sculptures évoquant les livres, dont Shevirat ha-Kelim (Le bris des vases), 2011, bibliothèque monumentale de plomb et de verre brisé qui renvoie au mythe cabalistique de la création divine. Aux deux extrémités de la nef, deux immenses toiles cosmiques dans des camaïeux de gris qui tirent leur force de la peinture très empâtée si caractéristique de Kiefer : Clairière, 2015, offre une pile de livres brûlés sur fond d’arbres et de ciel étoilé, autodafé rédempteur et lumineux. Accroché au ciel tourmenté de Le livre, 2007, un livre ouvert, sacralisé, protecteur de l’océan écumeux. Deux véritables tableaux d’autel dans cette installation très monacale.
Au fil des pages qui se donnent à voir dans les vitrines mais offrent peu à lire, des visions, des vues, des hommages à des écrivains, Heidegger, Jules Michelet, Paul Celan, Edmond Jabès, aux femmes de l’histoire, des questionnements sur la nature, des références aux grands mythes (Gilgamesh, Lilith), des aquarelles aérées et érotiques. Une réflexion sur la mémoire, le temps, la tragédie d’être ou ne pas être là où l’on appartient.

Parcourir les titres d’une bibliothèque privée se fait toujours un peu frauduleusement. Mais pas ici, où l’on sent l’artiste heureux d’ouvrir ses rayonnages, de laisser entrevoir des contenus mystérieux, ou de mettre au grand jour ses quêtes spirituelle, intellectuelle, ses sources d’inspiration. Sa façon, peut-être, d’essayer de retenir le temps, de s’exonérer d’un passé dont il n’est pas responsable, d’affronter un avenir inéluctable.

Elisabeth Hopkins

Visuel page expo : Anselm Kiefer, Shevirat Ha-Kelim (Le bris des vases), 2011 © Anselm Kiefer. Photo © Avraham Hay.
Visuel page d’accueil : Anselm Kiefer, Nigredo (détail), 1998. Plomb, acier, fil métallique, huile, sel, plâtre, résine, acrylique et pastel, 320 x 160 x 100 cm © Anselm Kiefer. Photo © Ben Westoby. Courtesy White Cube.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 octobre 2015 au 7 février 2016
BnF – Site François-Mitterand
Accès par l’entrée EST
Avenue de France - 75013 Paris
Ouvert du mardi au samedi
De 10h à 19h et le dimanche de 13h à 19h
Fermé le lundi et les jours fériés
Entrée : 9€
www.bnf.fr

 

 Catalogue : 256 pages, 366 illustrations, coédition : BnF/Editions du Regard. 39€