Un grand front dénudé qui se perd vers la nuque : ainsi apparait Arnold Schönberg (1874-1951) dans ses autoportraits ou dans les portraits qu’en firent ses contemporains, Egon Schiele et Max Oppenheimer. Sans faire l’impasse sur le compositeur, enseignant, bricoleur, à la judaïté incertaine (il se convertit temporairement au protestantisme), actif dans une Vienne en pleine ébullition intellectuelle et artistique, c’est au peintre que veut rendre hommage l’exposition.
« Comme peintre, je n’étais qu’un amateur, » se décrit Schönberg qui avoue par ailleurs que la peinture, comme la musique, lui permet d’exprimer idées et sentiments, ce qu’il ne saurait faire avec les mots. Il ne commence à peindre qu’en 1906 après avoir rencontré Richard Gerstl. L’essentiel de sa production verra le jour dans les cinq années suivantes, et ne sera exposé que trois fois, y compris dans l’exposition inaugurale du Blaue Reiter en 1911, promu par Kandinsky qui retrouve dans la musique de Schönberg ses propres aspirations à la dissonance.
Ses portraits, y compris une trentaine d’autoportraits, et ses peintures hallucinées, les “Blicke” [regards] côtoient des œuvres de ses contemporains, Gerstl, Schiele, Oppenheimer, Kokoshka et ont été rassemblés dans les première et dernière salles de l’exposition, laissant le reste du parcours à une riche et passionnante documentation sur son cheminement musical, de l’atonalité (terme qu’il récusait) au dodécaphonisme.
Alors que les thèmes bibliques parsèment sa création musicale, c’est la montée de l’antisémitisme dans les années 20 et 30 qui le pousse à revenir au judaïsme, à Paris, avant son départ définitif pour les États-Unis en 1933.
Soyons honnête, le musicien retient ici plus l’attention que le peintre, même si on s’arrête longuement sur les Regards, véritables captures d’âmes qui ne sont pas sans rappeler la technique symboliste d’Odilon Redon. Les extraits musicaux sont nombreux, une vidéo montre des extraits de plusieurs mises en scène de Moise et Aaron, son opéra inachevé, et l’atonalité et le dodécaphonisme n’auront plus de secret pour vous lorsque vous aurez vu Leonard Bernstein les décrypter lors de l’une de ses fameuses leçons télévisées.
Elisabeth Hopkins
Visuel page expo : Arnold Schönberg, Le Vainqueur, 1919. © Vienne, Centre Arnold Schönberg © Belmont Music Publishers/ Paris, ADAGP, 2016.
Visuel vignette : Arnold Schönberg, Gustav Mahler, 1910. Huile sur carton, 45,6 x 44,5 cm © Vienne, Centre Arnold Schönberg © Belmont Music Publishers/ Paris, ADAGP, 2016.