Ecrivain dandy, Oscar Wilde revendiqua la posture de l’esthète. « La beauté a autant de significations que l’homme a d’humeurs. La beauté est le symbole des symboles. Elle révèle tout, parce qu’elle n’exprime rien », écrit en 1890 cet apôtre de l’Aesthetic Movement. Apparu vers 1860 en Angleterre pour échapper à la laideur et au matérialisme de l’époque, ce mouvement prône un nouvel idéal de beauté. L’art pour l’art, tel est le credo de peintres, poètes et décorateurs tels Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones, William Morris, James McNeill Whistler, Aubrey Beardsley, Thomas Armstrong. La beauté dicte les codes d’une vie nouvelle où le superflu devient le nécessaire. Un cercle de riches intellectuels s’enthousiasme et court à la Grosvenor Gallery devenue le temple de l’Aesthetic Movement. Dans les tableaux et les sculptures, on ne raconte pas une histoire, on n’expose pas une morale, on ne parle pas de religion. L’art se libère des principes d’ordre et de moralité victorienne et évoque librement la sensualité. Musique, fleurs, arc en ciel, alanguissement des corps, teint diaphane des visages, velours ...tout est calme, raffinement et volupté.
Considéré comme un vivier d’immoralité, ridiculisé pour le discours ultra précieux de ses disciples et leur enthousiasme pour les plumes de paon, les éventails japonais, les « lilas mauves » et la porcelaine blanche et bleue, le mouvement périclite vers 1900. Entre temps, quantité de chefs d’œuvre auront été créés dans le domaine de l’ameublement, des arts décoratifs, de la photographie, de la littérature et de la mode. L’exposition du musée d’Orsay en montre une belle sélection en retraçant l’effervescence d’une époque où artistes, poètes et leurs muses, concepteurs d’objets, esthètes et collectionneurs consacrèrent leur vie à la recherche de LA beauté. La quête sans fin d’un idéal qui ne cesse d’être redéfini.
C.R