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Londres. Botticelli réinventé

Un titre un peu racoleur pour une exposition qui va, en trois parties, du pire, dans les copies, appropriations, emprunts ou pastiches contemporains des œuvres du maître florentin, au meilleur, à savoir les œuvres attribuées à Sandro Botticelli (1445-1510) et à son studio.

On est plongé dans l’ambiance dès l’entrée, avec la première des références à la Naissance de Vénus, quelques secondes-culte du film Dr. No où Ursula Andress sort de l’eau, coquillage à la main, sous l’œil médusé de James Bond/Sean Connery. Hommage de Terence Young à Botticelli ? On a peine à le croire, mais on est en plein dans le thème. Puis suivent, une pochette de disque de bien mauvais goût pour Lady Gaga dessinée par Jeff Koons ; un autoportrait (what else ?) de Cindy Sherman en Portrait allégorique d’une femme ; une subversion photographique érotique de La Naissance par David LaChapelle ; une robe et un ensemble Dolce & Gabbana imprimés de fragments botticelliens ; une interprétation, style manga, aux couleurs criardes, d’une Vénus naviguant sur un océan de paquets de pâtes de Tomoko Nagao, et la photo d’une reproduction de La Naissance à partir de détritus, cordes et objets industriels de Vik Muniz. Toutes œuvres qui, comme les autres (Orlan, Warhol, Valie Export, Rinke Dijkstra), se plient parfaitement à la contrainte curatoriale et peuvent amuser. Si on doit n’en retenir qu’une, ce sera l’émouvant autoportrait photographique de Youssef Nabil endormi dans sa djellaba sur un banc de musée devant Le Printemps.

Mais remontons dans le temps : le 19e siècle sait remettre Botticelli sur le piédestal dont il était tombé pendant des siècles, peut être pour avoir peint principalement des sujets religieux à partir de l’ère Savonarole. Il faut les guerres napoléoniennes pour que les institutions religieuses soient dépouillées de leurs trésors qui se retrouvent alors sur le marché. Les copies fleurissent dès 1815 et la photographie prend le relais dès 1860. Les historiens d’art s’en mêlent : Aby Warburg est fasciné par les allégories et Herbert Horne reconstitue le développement stylistique de l’artiste. Connus ou inconnus, les artistes du 19e siècle, et en particulier les Préraphaélites, s’inspirent de la danse, des vêtements, des couleurs et des mélancoliques beautés, tels Burne-Jones, qui s’inspira des robes flottantes ou délicatement moulantes, et Rossetti, alors propriétaire de Portrait d’Esmeralda Brandini qui s’en inspira pour Dame à la fenêtre.

Notre plaisir ne faisant qu’augmenter, nous voici maintenant au cœur de l’œuvre botticellienne, même si ni Le Printemps ni La Naissance de Vénus des Offices ne sont dans cette troisième partie, pourtant riche de cinquante dessins et toiles du maître et de son florissant atelier. On y voit la foisonnante Nativité mystique, 1500, seule œuvre datée et signée, trois portraits supposés de Simonetta Vespucci, des variations sur le thème de la Madone avec enfant, y compris le tondo La Vierge à l’enfant avec deux anges, c. 1490. Est-il besoin de redire la finesse du trait, la douceur des visages, la luminosité des couleurs, les transparences, la vivacité des regards qui happent le spectateur, chez Botticelli peintre ? Enfin, un ensemble de dessins, dont cinq illustrations de la Divine Comédie, sur les 92 qui existent encore. Au crépuscule de sa vie, les œuvres se font plus monumentales (Fuite en Égypte, Vierge à l’enfant avec Saint Jean Baptiste) et l’exposition se conclut avec deux monumentales Vénus, œuvres de collaboration avec son atelier.

On s’est amusé du pire, on s’est délecté du meilleur, pour rien au monde on n’aurait voulu manquer cette exposition.

Elisabeth Hopkins

Visuels page expo : Sandro Botticelli, Portrait of a Young Man, c.1480-5. Image courtesy of the National Gallery of Art, Washington.
Yin Xin, Venus, after Botticelli, 2008, Private collection, courtesy Duhamel Fine Art, Paris.
Visuel page d’accueil : Sandro Botticelli, Venus, 1490s (détail). Gemäldegalerie Staatliche Museen zu Berlin Preußischer Kulturbesitz. Photo : Volker-H. Schneider.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Botticelli Reimagined
Du 5 mars au 3 juillet 2016
Victoria and Albert Museum
Cromwell Road -London SW7 2RL
Ouvert tous les jours de 10h à 17h45
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h
Entrée : £ 12
www.vam.ac.uk

 


 Catalogue « Botticelli Reimagined », édité par Mark Evans et Stefan Weppelmann. Relié. £ 40