Carrière, Cécile - Plasticienne

La grande affaire de Cécile Carrière, la trame principale de son travail, c’est la représentation du corps. Un pur travail d’imagination, à la fois graphique et pictural qui questionne la symbolique du passage et de la transmission. Une sorte de Divine Comédie entre enfer et paradis, un Ombilic des limbes qui dessine le « grand flux de la nature, de la naissance à la mort ».

Après une enfance dans le sud de la France, Cécile Carrière qui a commencé à peindre adolescente monte à Paris pour suivre des études de philosophie. En pleine ébullition intellectuelle, le choc d’une exposition des gravures de Goya des séries Les Caprices et Les Désastres de la guerre et l’enseignement d’un prof de philo sur le chaos façonne l’imaginaire de la jeune-fille, libère sa créativité. Elle apprend la gravure en taille douce (eau-forte, aquatinte, burin) qui, selon elle, est « une manière d’apprendre à construire une image par couches superposées ». Peu à peu, elle glisse vers le dessin, « la technique qui restitue les sensations, le mouvement, mi-psychique mi-corporel. »
Car la grande affaire de Cécile Carrière, la trame principale de son travail, c’est la représentation du corps, le mouvement du corps, le rapport des corps entre eux autour desquels elle greffe des éléments graphiques et symboliques à la fois. Un pur travail d’imagination, sans modèle, décliné en plusieurs séries, Barques, Montagne bleue, ces deux séries d’inspiration hugolienne, Montagnes fertiles, Pear to Pear, Deux Flammes... Avec Barques, la jeune femme a été finaliste du dernier concours Talents contemporains de la Fondation François Schneider. Une résidence à La Commanderie de Saint-Quentin-en-Yvelines, « Le dessin contemporain dans tous ses états », lui a inspiré la série Futur, des dessins grand format à l’encre de chine.
Alors qu’elle a animé des ateliers pour enfants et qu’elle donne toujours des cours d’arts plastiques dans une école, Cécile Carrière a rejoint l’usine de téléphonie désaffectée du Pré Saint-Gervais où ont éclos une vingtaine d’ateliers d’artistes. Passant d’un art à l’autre, du dessin à la céramique, elle varie aussi les techniques, de l’encre au crayon, du crayon aquarellable au bâton d’huile. « J’aime jouer sur le geste et la texture, confie-t-elle. J’ai besoin de crayonner, d’appuyer, de donner du twist au dessin ! » Dans cet atelier, l’artiste a fait entrer la couleur. On le voit dans sa dernière série, « Désir mimétique », influencée par la théorie de René Girard dans « Des choses cachées depuis la fondation du monde ». Des dessins sur fond noir, des corps et leurs flux, leurs coulures, des corps reliés, des corps mêlés, jouant des scènes primitives, des métamorphoses. « Il me semble que mon travail n’est pas très contemporain, analyse-t-elle, et plutôt pictural même s’il s’agit de dessin. Ce n’est pas un travail conceptuel. » Questionnant la symbolique du passage et de la transmission, Cécile Carrière invente une sorte de Divine Comédie entre enfer et paradis, un « Ombilic des limbes » qui dessine le « grand flux de la nature, de la naissance à la mort ». Son travail lui a valu d’être retenue pour le prochain salon Macparis qui se tiendra du 26 au 29 novembre prochain.

Jean-Michel Masqué (mai-juin 2015)
Reportage photo : Lionel Pagès