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Ceramix : De Rodin à Schütte

Aux côtés de la vidéo, de la performance et de l’installation, la céramique (définie comme “objet de terre passé au feu”) fait petite figure tant on la croit de seule utilisation pratique. Pour la sortir de ce statut d’art mineur, Sèvres-Cité de la Céramique et La Maison Rouge exposent simultanément et de façon complémentaire 250 céramiques par une centaine d’artistes.

On peut tracer les premières céramiques à Gauguin autour de 1880. Rodin, qui fut un temps décorateur à Sèvres, puis Picasso, Miró, Dufy et Derain relèveront le défi de cette forme de sculpture, suivis par le groupe CoBrA. La céramique permet de renouveler le geste sculptural en lui permettant de s’inscrire sans contrainte de forme dans l’espace, voire même en laissant le matériau prendre sa forme indépendamment. Et la couleur lui insuffle une nouvelle vie.
En art contemporain, la céramique prend sa place dans les années 70, subissant des influences diverses, du Pop, du féminisme, du minimalisme. À la même époque, Eduardo Chillida et Antoni Tàpies se lancent, celui-ci avec des objets quotidiens agrandis Cama I creu, 1986, et celui-là avec des masses minimalistes en terre chamottée, la série des Lurra. Plus proches de nous, certains artistes (Ai Wei Wei, Jeff Koons) l’utilisent comme support de leur dénonciation des problèmes sociaux, politiques et économiques qui affectent notre société.

Sèvres se penche plutôt sur le matériau, son utilisation par les peintres (les Fauves – qui malgré les efforts d’Ambroise Vollard n’eurent aucun succès auprès du public –, Miró, Derain, Dufy, Léger), les formes spontanées qu’il permet (Fontana, Jorn, Appel). La céramique offre aussi la possibilité de se rebeller contre la tradition, comme le font les céramistes de Tokyo regroupés sous la bannière du groupe Sodeïsha qui prône la non-fonctionnalité des œuvres.
La Maison Rouge, où l’on est accueilli par une invasion spectaculaire de blattes (de céramique) de l’artiste iranienne Bita Fayyazi, présente la création céramiste italienne, politique ou poétique. Elle explore l’irrévérence californienne pour la forme, suivie d’un retour à une figuration humoristique haute en couleurs, comme la céramique funk des sculptures ou installations dadaïstes drolatiques de Robert Arneson (Captain Ace). Les masques de Jean Carriès de la fin du 19e siècle sont juxtaposés avec ceux de Derain, des années 30, et ceux, effrayants, de Thomas Schütte en 2014. Clap de fin avec les œuvres de John Creten, Burka, 2013 et La Vierge d’Aleppo, 2014-15, reflets d’une douloureuse actualité.

La collaboration entre les deux institutions permet une spectaculaire complémentarité des œuvres et des thèmes et la découverte d’une forme d’art bien présente dont on souhaite qu’elle trouve un jour sa place dans les musées, chez les collectionneurs et auprès du grand public.

Elisabeth Hopkins

Visuel page expo : Grayson Perry, Memory Jar, 2013, [Jarre de mémoire], céramique, 40 × 35 cm. Bonnefantenmuseum, Maastricht. Sèvres – Cité de la céramique.
Visuel vignette : Thomas Schütte, Basler Maske, 2014, [Masque bâlois], céramique émaillée, 34,5 x 30,5 x 21 cm. Courtesy de l’artiste. La maison rouge.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 9 mars au 5 juin 2016
La Maison Rouge/Fondation Antoine de Galbert
10, boulevard de la Bastille-75012 Paris
Ouvert tous les jours de 11h à 19h, sauf le mardi
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée : 10€
www.lamaisonrouge.org

 

Du 9 mars au 12 juin 2016
Sèvres-Cité de la Céramique
2, place de la Manufacture
92310 Sèvres
Entrée : 8€
Du mercredi au lundi, de 10h à 17h
Fermé le mardi.
www.sevresciteceramique.fr

 

 Superbe catalogue collaboratif entre le Bonnefantemuseum de Maastricht (où l’exposition fut inaugurée en 2015), La Maison Rouge et la Cité de la Céramique ; 320 pages, 39 euros.