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Chaissac – Dubuffet. Entre plume et pinceau

« Cher Gaston », écrivait Dubuffet, « Cher Dubuffet », répondait Chaissac…Entre 1946 et 1964, les deux artistes devenus « à tu et à toi », vont s’échanger une considérable et truculente correspondance, discourant aussi bien sur la peinture –souvent dans la controverse-, la littérature, la météo, que sur les navets crus qui soignent les rhumatismes. L’écriture désordonnée et l’orthographe fantaisiste de Chaissac cache un érudit, un épistolier intarissable et un redoutable bretteur que rien n’amuse autant que de passer pour un pauvre bougre d’artiste vivant au fond du bocage vendéen, hors du monde. Longtemps tenu pour marginal dans le contexte de l’art français d’après-guerre, Chaissac est un indomptable qui ne cesse d’inventer des formes et des techniques nouvelles, passant de la figuration à l’abstraction, les hybridant sans complexe. Son œuvre singulière constituée de curieux personnages stylisés, de grands totems colorés, d’encres zoomorphes, d’objets détournés…n’a pas échappée à Jean Dubuffet qui le classe d’emblée parmi les artistes de l’art brut. Refusant d’être ainsi catalogué, Chaissac se décrit comme un peintre naïf faisant des dessins d’enfants, mais il souligne aussi qu’il veut pousser à un très haut degré de raffinement ses dessins abstraits à la plume.

Car cet autodidacte en art, ce peintre « rustique moderne » comme il se décrit est aussi un penseur et un homme de lettre(s). Il écrit deux à trois lettres chaque jour, en a posté au total « plus de 30 000 à quelques deux cents correspondants répertoriés à ce jour, dont Dubuffet ; leur correspondance croisée est constituée de 448 lettres », précise Josette Rasle, commissaire de l’exposition Chaissac – Dubuffet. Entre plume et pinceau. C’est par l’entremise de Jean Paulhan que les deux artistes iconoclastes se sont rencontrés et ont entamé une fructueuse correspondance d’une joyeuse complicité. Une mine pour redécouvrir leurs œuvres. Autour d’une vingtaine de missives, manuscrites pour Chaissac, souvent tapées à la machine pour Dubuffet, l’exposition présentée au musée de la Poste retrace de manière chronologique l’itinéraire artistique de ces deux créateurs si différents, mais tous deux adeptes du collage, des empreintes, des matériaux insolites, des cernes noires, des barbouillages qu’ils érigent en beauté vertueuse, de la couleur maltraitée ; souvent pétulante chez Chaissac, sombre avant de devenir bleu-blanc-rouge chez Dubuffet. Commencé en 1946, année du début de leur correspondance, le parcours au fil de 150 œuvres s’achève en 1964, à la mort de Chaissac. Dubuffet qui s’est lancé en 1962 dans le cycle de l’Hourloupe, le poursuivra jusqu’en 1974, sans plus pouvoir échanger avec son ami Gaston qui lui écrivait de manière prémonitoire en avril 1964 : « la peinture me donne de plus en plus la nausée et j’espère que la mort me délivrera ».

Catherine Rigollet

Visuel : Gaston Chaissac, Sans titre, huile sur binette, 8 x 16,5 cm, collection particulière. Et Jean Dubuffet, Gode à la tronche, 26 mai 1963, gouache sur papier 40 x 67 cm, Fondation Dubuffet, Paris.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 27 mai au 28 septembre 2013
L’Adresse – musée de la poste
34, boulevard de Vaugirard – 75015
Tél. 01 42 79 24 24
Tous les jours, de 10h à 18h, sauf dimanche et jours fériés
Tarif plein : 6,50€ (donne droit à la visite des collections permanentes)
www.ladressemuseedelaposte.fr


 Exposition présentée ensuite au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, les Sables d’Olonne du 12 octobre 2013 au 26 janvier 2014.
 Catalogue de l’exposition. Fage éditions 25€

 Editée par Gallimard, la correspondance Chaissac-Dubuffet sera publiée d’ici l’été 2013