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Claude Iverné : Bilad es Sudan

D’abord on croit voir une ombre de canidé gueule ouverte sur des crocs pointus, projetée sur un mur blanc de ce soleil qui cogne particulièrement en Nubie, au nord du Soudan. Image frappante et intrigante. En réalité, l’animal naturalisé, un chien, est suspendu au seuil de la maison. Symbole de protection ? Affection envers un animal domestique disparu ? « Les deux réponses sont justes », répond Claude Iverné à notre interrogation, soulignant les paradoxes de cette région majoritairement musulmane, mais où s’imbrique un animisme que l’on retrouve pareillement mêlé au christianisme dans le Sud du Soudan. Et quel contraste encore que cette jeune fille du peuple Shénabla posant devant son austère tente en toile, vêtue d’une jupe longue imprimée d’une Tour Eiffel.

Après avoir effectué plusieurs voyages au Soudan, pays qu’il découvre baigné d’influences contraires qui le fascinent, Claude Iverné (né en 1963) s’y installe en 2000. Ayant appris l’arabe, il fait le choix de l’errance pour vivre dans le pays et non y voyager, suivant le précepte du rabbin Nahman de Bratslav (1772-1810) qui disait : « ne demande pas ton chemin, tu risquerais de ne pas réussir à te perdre. » En 2001, le photographe traverse le désert sur La piste des Quarante jours (« Darb al arba’ïn ») qui reliait autrefois l’Égypte et le sultanat du Darfour. De là va naître son projet de documenter ce territoire aujourd’hui encore très agité par de graves conflits, affaibli par les famines qui se succèdent et qui poussent les habitants à fuir.

Entre approche anthropologique et documentaire, dans un style vernaculaire à la Walker Evans et sans se départir d’un certain esthétisme, sa collecte d’images argentiques du Bilad es Sudan (pays des noirs), du nom donné par les conquérants, omeyyades, de peau claire nous montre : des habitants au quotidien, leurs maisons, leurs vêtements, leurs cimetières, le travail des paysans, mais aussi des paysages désertiques, des camps de réfugiés, des distributions d’eau et de nourritures.
À le voir, ici à Paris, vêtu d’un large pantalon de toile beige et d’une longue liquette bleu pâle, pull fatigué sur les épaules, on comprend aisément que ce long séjour au Soudan a bousculé la vie et le regard de cet homme venu de la photographie de mode et de la publicité et qui reçu le Prix HCB 2015 pour son projet « Photographies soudanaises, le fleuve des gazelles ». Un prix qui lui a permis de réaliser le second volet de son projet : documenter le Soudan du Sud.

Alors que le Nord est dépeint en noir et blanc, de manière assez distante, lente et silencieuse, comme d’un autre temps, Claude Iverné privilégie la couleur pour le Sud, en écho au brouhaha ambiant avec ces enseignes multinationales, ces shows évangélistes et ces publicités urbaines, enregistrant la mutation chaotique d’un territoire a mi-chemin entre le nomadisme et l’économie de marché. Après l’Afrique, c’est en France, à la rencontre de réfugiés soudanais que Claude Iverné clôt son périple et cet ambitieux travail de photographe humaniste mené depuis presque vingt ans. L’exposition rassemble plus de cent tirages, vidéos, documents et objets.

Catherine Rigollet

 L’exposition sera présentée à la Fondation Aperture à New-York du 15 septembre au 9 novembre 2017.

Visuels : Claude Iverné, Chien naturalisé / Toshka / Dar Sukkott / Nubie / Févr. 2002 © Claude Iverné – Elnour.
Claude Iverné, Mnaïma Adjak / Peuple Shénabla / Clan Awasma / Dar Jawama / Kordofan Nord / Août 2001 © Claude Iverné – Elnour.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 mai au 30 juillet 2017
Fondation Henri Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis, 75014
Mardi à dimanche de 13h à 18h30
Samedi de 11h à 18h45
Nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Fermé le lundi
Plein tarif : 8€
Tél. 01 56 80 27 00
www.henricartierbresson.org