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Collection Barjeel : 100 chefs-d’œuvre de l’art moderne et contemporain arabe

Le blogueur et éditorialiste émirati, Sultan Sooud Al-Qassemia bâtit depuis quelques années une collection d’environ mille œuvres remontant aux années 50, collection gérée aujourd’hui par la Fondation Barjeel de Sharjah, petit émirat des Emirats Arabes Unis, riche d’une biennale d’art contemporain (cette année, jusqu’au 12 juin). Usant de champs d’expression, techniques et média divers, les 100 œuvres que l’on voit ici sont dues à des artistes déjà connus (Chafik Abboud, Shakir Hassan al Said) ou émergents et offrent le panorama d’une créativité dont le seul fil rouge semble être celui de l’arabité. Changeront-elles le regard du monde occidental sur le monde arabe ? C’est ce que souhaite Al-Qassemi.

Le commissaire, directeur du musée d’art contemporain de Gand, a divisé les œuvres en deux parties, un espace muséal (“Exposer”) et une réserve (“Conserver”). Un distingo certainement très évident dans l’esprit du commissaire, mais fort peu pour le regardeur, sinon un certain encombrement sur les cimaises de la réserve. Certains artistes se retrouvent d’ailleurs dans les deux parties.
À voir les œuvres qui se succèdent, on comprend que le collectionneur s’intéresse surtout au message porté par les œuvres, qu’il soit politique, historique, social ou identitaire.

On retrouve donc dans les coulures blanches sur fond noir de Nabil Nahas (Sans titre, 1983) les larmes des libanais lors des violences de 1982 ; Kader Attia, lauréat du Prix Marcel Duchamp 2016, s’interroge dans une œuvre au néon sur le sens de la démocratie que les occidentaux cherchent à imposer dans le monde arabe et qui se révèle être plutôt une démoNcratie. Et que cherche donc à dire le Syrien Abdalla Omari en peignant l’ex-président américain en SDF (Obama, 2014) ? Une surprenante Madonne à l’enfant, 1960 de Paul Guiragossian, né dans la Palestine mandataire, prouve que le seul Coran n’a pas toujours régi le monde arabe et que le foyer des monothéismes est bien au cœur de cette partie du monde. Si l’œuvre la plus émouvante est celle de la marocaine Yto Barrada qui a photographié les pages du carnet où sa grand-mère, illettrée, consignait les numéros de téléphone de ses dix enfants au moyen de barres et de ronds enfantins, l’une des plus engagées est celle d’Adel Abdessemed, Souterrain, 2007, une installation de pupitres de musiciens, sur lesquels repose, non pas une partition, mais une esquisse du chef d’orchestre en plein effort, symbole de la répartition des pouvoirs d’un seul entre tous, principe de base de la démocratie.

Une exposition déroutante où les cartels, détaillés, aident à décrypter les œuvres porteuses d’une Histoire et d’histoires qui nous sont peu familières. Des œuvres attachantes. Pour qui s’intéresse un tant soit peu au monde arabe, un must.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Kader Attia (né en 1970) - DEMO(N)CRACY, 2010 - installation de lumière au néon - 49 x 480 x 3 cm.
Yto Barrada (née n 1971) - Telephone Books (série de 8) - détail. Tirage argentique en noir et blanc, 170 x 150 cm.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 28 février au 2 juillet 2017
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés Saint Bernard
Place Mohammed V - 75005 Paris
Ouvert du mardi au vendredi, de 10h à 18h
Samedi, dimanche et jours fériés, jusqu’à 19h
Fermé le lundi
Entrée : 10€
www.imarabe.org