Vous consultez une archive !

David Goldblatt

Depuis les années 1960, David Goldblatt (né en 1930) parcourt son pays natal, l’Afrique du Sud. Au travers de ses photographies, il décrit la vie de ses habitants, celle des Blancs dans les villes, celle des petits agriculteurs afrikaners, et surtout celle des Noirs, leur travail dans les mines d’or et de platine, leur place dans les zones réservées dans les transports et dans les villes (Johannesbourg, Boksburg), revenant sur sa jeunesse d’enfant blanc en pleine apartheid, cette « matrice grise, faite de lois et de règlements déployés dans tout le pays, qui pénétrait, contraignait, contrôlait, entravait tous les aspects de l’existence ». « Rien n’y personne n’y échappait » ajoute-t-il. « C’était ainsi. Cela n’est plus ». Constat ou critique de cette longue domination blanche ? Né dans une famille d’immigrés juifs lituaniens fuyant les persécutions, élevé dans un esprit d’égalité et de tolérance vis-à-vis des personnes d’autres cultures et d’autres religions, David Goldblatt ne peut qu’être sensibilisé à l’inégalité et à l’exclusion vécue par les Noirs et s’être forgé un œil conscient, critique et opposé à l’apartheid, qui a pris fin en 1991.

D’où vient alors ce sentiment de distanciation ressenti face à ses images, malgré leur immense maîtrise documentaire qui rappelle celle de maîtres tels Dorothea Lange, Walker Evans, August Sander ou même Eugène Atget ? Peut-être de leur aspect pondéré, neutre, strictement instructif, presque austère, auquel s’ajoute la manière dont Goldblatt les commente lui-même avec une précision froidement analytique, sans émotion. Comme lorsqu’il légende cette « passerelle enjambant la voie ferrée Le Cap-Johannesburg, avec double escalier séparé pour « blancs » et « non blancs », conformément à la loi n°49 sur les équipements publics séparés (…) ». Sans doute aussi parce qu’aux images « militantes », Goldblatt a fait le choix de photographier des objets, des lieux, des gens et des situations qui témoignent des conséquences de l’apartheid. Il reconnait d’ailleurs que, pour lui, « la photographie n’est pas une arme et qu’il ne veut la rapprocher d’aucune propagande, même dans un but louable ».

Cette grande rétrospective thématique et chronologique de plus de deux cents photographies, (essentiellement noir et blanc) complétées d’une centaine de documents inédits issus des archives de l’artiste et de sept films dans lesquels Goldblatt parle de son travail, constitue une passionnante exploration de ce qui a structuré la domination blanche en Afrique du Sud, de ce qu’elle a laissé comme traces et des fragilités de l’actuelle démocratie. C’est aussi le regard d’un photographe, s’affirmant sans volonté artistique, cherchant avant tout à comprendre et expliquer.

Catherine Rigollet

Visuels : David Goldblatt. Passerelle enjambant la voie ferrée, Leeu Gamka, province du Cap-Est, 30 août 2016. Passerelle enjambant la voie ferrée Le Cap-Johannesburg, avec double escalier séparé pour « blancs » et « non blancs », conformément à la loi n°49 sur les équipements publics séparés (Reservation of Separate Amenities Act) de 1953. Aujourd’hui, l’apartheid n’existe plus. Les panneaux indiquant les files séparées ont été retirés vers 1992, mais le pont demeure, au service d’une population d’environ 1 500 personnes. Épreuve jet d’encre, diabond, 98 x 122 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town © David Goldblatt.
David Goldblatt. Vendeuse, Orlando West, Soweto, Johannesbourg, 1972. Épreuve numérique sur papier baryté, 28 x 28 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town. © David Goldblatt
David Goldblatt. Samedi après-midi dans le quartier de Sunward Park, Boksburg, avril 1979. Épreuve gelatino-argentique, env. 41 x 40,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town © David Goldblatt.
David Goldblatt, Une adolescente et sa mère chez elles, Boksburg,1980. Épreuve gelatino-argentique, 40,5 x 40,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town © David Goldblatt.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 21 février au 7 mai 2018
Centre Pompidou
Tous les jours, sauf le mardi
De 11h à 21h
Tarif plein 14€
www.centrepompidou.fr