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Edition limitée. Ambroise Vollard editeur d’estampes

Marchand, mais aussi éditeur et collectionneur, Ambroise Vollard (1866-1939) est une personnalité incontournable et influente de la vie artistique à l’aube du XXe siècle. Il travaille avec les plus grands artistes : Picasso, Bonnard, Cassatt, Chagall, Maillol, Redon, Rouault, Rops pour n’en citer que quelques-uns. Dans sa galerie de la rue Laffitte, surnommée alors « la rue des tableaux » pour son nombre de galeries, il organise les premières expositions personnelles de Van Gogh, Picasso, Matisse, ou Cézanne dont il a découvert les tableaux dans la vitrine d’un petit marchand de couleurs de la rue Clauzel, le père Tanguy. Un Cézanne qui à cette époque est encore loin de séduire les critiques et encore moins le public ! Pour l’audacieux Vollard au contraire, c’est un véritable choc : « Ce fut comme si je recevais un coup à l’estomac » raconte-t-il dans ses « Souvenirs d’un marchand de tableau » (Albin Michel, 1937). S’il aime la peinture, découvrir des talents encore méconnus, vendre des œuvres, Vollard a vite appris à marchander, à acheter aux jeunes artistes leur fonds d’atelier, à revendre et a flairer les bonnes affaires comme le rachat de dessins et de toiles inachevées à la veuve d’Édouard Manet, puis celui du fonds du Père Tanguy à la mort de cet étonnant personnage devenu l’un des premiers collectionneurs des impressionnistes à qui il vendait des couleurs. Il s’est aussi assuré le monopole des œuvres de Cézanne.

Né à La Réunion, fils de notaire, le jeune Ambroise venu à Paris faire son droit a vite contracté le virus de l’art, flânant davantage sur les quais et le long des vitrines où sont exposés toutes sortes de dessins et gravures que passant ses examens. Il commence à acheter des petits tableaux de Bonnat, Innocenti, puis s’enthousiasme : « 1890 ! Quelle époque bénie pour les collectionneurs : Partout des chefs-d’œuvre et autant dire pour rien. » Dès cette année-là, il fait commerce dans son petit appartement de la rue des Apennins, avant d’ouvrir sa galerie et de poser aussi pour « ses » artistes. Il sera portraituré par Cézanne, Bonnard, Picasso ou encore Renoir qui le représente notamment avec un turban rouge noué sur la nuque, souvenir de la jeunesse créole du marchand.

À partir de 1894, parallèlement à son métier de marchand, Vollard qui de tout temps a aimé les estampes, souhaite en éditer, en les demandant à des peintres et n’hésitant pas à y investir l’essentiel de sa fortune tirée de la vente des toiles des maîtres modernes. Bonnard, Cézanne, Maurice Denis, Redon, Renoir, Sisley, Toulouse-Lautrec, Vuillard vont se prêter à l’exercice. Toutes ces estampes en couleurs et en noir formèrent avec plusieurs autres Les Peintres-graveurs, dont il fut fait deux albums. Certains artistes allèrent bien au-delà de quelques estampes.
À la demande de Vollard, Picasso réalise une série de cent estampes gravées à l’eau-forte entre 1930 et 1937. Cette fameuse Suite Vollard aurait été échangée par l’artiste à Vollard contre un tableau de Cézanne et un autre de Renoir. Tirée en quelque 310 jeux complets -qui n’ont pas tous été signés- cette suite est devenue très rare sur le marché. En 2017, un jeu complet et signé intégralement s’est vendu 1,9 million d’euros à Paris.

On doit aussi à Vollard la réédition de la Suite Volpini de Gauguin, ces onze zincographies que le peintre a présentées au café Volpini lors de l’Exposition universelle de 1889 à Paris (neuf d’entre elles sont conservées au musée de Pont Aven). À Marc Chagall, il demande d’illustrer les Fables de La Fontaine, soit une centaine de gouaches qu’il fallut transférer sur le cuivre (réédition Ed. Hazan, octobre 2019). Face aux critiques virulentes dénonçant le choix d’un artiste russe d’origine juive pour illustrer un chef-d’œuvre de la langue française, Vollard rappellera que le chant imagé des mots des Fables inspirées des écrits du grec Ésope évoque le croisement de l’Orient et de l’Occident. Et qu’il n’existe pas de meilleur artiste que Chagall pour nous faire passer du monde réel à celui du rêve. Il lui commandera aussi l’illustration des Âmes mortes de Gogol. Éditeur, Vollard a aussi l’ambition d’être auteur, consacrant sa première biographie à Cézanne, en 1914 avant de s’attaquer à Renoir et Degas, puis d’écrire ses mémoires.

Bénéficiaire de nombreux dons et legs de Vollard lui même et de ses héritiers, le Petit Palais a choisi de nous faire revivre cette passion de Vollard pour l’édition d’estampes en exposant un ensemble exceptionnel d’estampes, de livres illustrés et d’objets d’édition (bronzes et céramiques), enrichi de nombreux prêts d’autres institutions et collections. L’exposition ne pouvait manquer d’évoquer la personnalité d’Henri Marie Petiet (1894-1980) qui à la mort de Vollard dans un accident de voiture en 1939, a racheté l’essentiel de son stock d’estampes, dont la fameuse Suite Vollard de Picasso, dont il va assurer la diffusion, s’imposant d’emblée comme son successeur.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 mai 2021 au 29 août 2021
Petit Palais
Avenue Winston Churchill 75008 Paris
Tel : 01 53 43 40 00
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturnes pour les expositions temporaires : le vendredi jusqu’à 20h, le samedi et le dimanche jusqu’à 19h
https://www.petitpalais.paris.fr/


Visuels page expo : Pierre Bonnard, Portrait d’Ambroise Vollard au chat, vers 1924. Huile sur toile © Paris Musées / Petit Palais.
Aristide Maillol, La Vague, gravure sur bois, 1895-1898. Petit Palais, don indivision Petiet 2020. © Paris Musées / Petit Palais.
Marc Chagall, Les grenouilles qui demandent un roi (gouache préparatoire pour les Fables de La Fontine). Livre troisième, fable IV, vers 1927. Gouache sur papier. Collection particulière © Paris 2021.
Pablo Picasso, Suite Vollard : Série Le Minotaure aveugle guidé par une petite fille dans la nuit (97), 1932. Estampe. ©Paris Musées / Musée d’art moderne / Pablo Picasso © Succession Picasso 2021.