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Francis Bacon/Bruce Nauman : Face à face…inattendu !

Il est des expositions « dialogue » où l’on est en droit de se demander si on ne va pas chercher midi à quatorze heures. Cécile Debray, aujourd’hui directrice de l’Orangerie et commissaire de l’exposition, stimulée par “un face à face inattendu” entre un triptyque de Francis Bacon et un carrousel de Bruce Nauman vu dans un musée d’Amsterdam, étend ce concept à une exposition d’envergure. Avouons-le, elle est parvenue à réunir des œuvres de deux artistes totalement différents sur tous les plans, qui se font écho le temps d’un accrochage, car portant les mêmes quêtes et surtout les mêmes obsessions.

Bacon (1901-1992), peintre britannique, et Nauman (né en 1941), artiste américain protéiforme (sculpture, performances, photo) et pionnier de la vidéo comme medium artistique, explorent tous les deux l’homme, ou plutôt son corps. Corps non pas figé comme dans les portraits classiques, mais, pour Bacon, corps théâtralisé, dynamisé, violenté, désorienté, torturé même par le pinceau, et pour Nauman, corps ou visage seul, subverti, déformé, contraint par des actions saugrenues, et pérennisé par la vidéo. Deux créateurs qui déroutent, agressent, mais interpellent.

L’accrochage suit une thématique en cinq étapes (cadre/cage, mouvement/animalité, corps/fragment, piste/rotation, réflexion/portrait) où un choix restreint d’œuvres de chaque artiste vient étayer l’argument. Ainsi Female Nude in a doorway, 1972 de Baconet les vidéos de Nauman se livrant à une gestuelle absurde et vaine dans la contrainte des murs de son studio, se retrouvent autour du concept de l’homme cherchant sa place dans un monde contraignant (cadre/cage). Les carcasses de Bacon sont mises en regard avec Four part large animals, 1989 de Nauman, une installation d’animaux imaginaires conçus à partir de matrices de taxidermie mouvement/animalité). Le final spectaculaire met en regard l’installation vidéo de Nauman, Anthro/Socio, 1991, où il vocifère inlassablement en gros plan les mêmes dix mots, et un autoportrait de Bacon ou un portrait du pape, la bouche ouverte en un appel silencieux qui le désacralise (réflexion/portrait). Les thèmes sont suffisamment vastes pour que l’on ait pu trouver chez les deux artistes des œuvres qui puissent se faire écho, et stimuler la réflexion du spectateur.

La commissaire a donc atteint son but et les mises en parallèle “fonctionnent”. Fi de la confrontation, on restera surtout sur le souvenir des magnifiques Bacon, toiles connues tel le triptyque de la Fondation Beyeler, In memory of George Dyer, 1971, ou inconnues car empruntées à des collections privées. Ce peintre majeur gagne-t-il quoi que ce soit à partager les cimaises avec un artiste auquel rien ne le lie ? Nauman est-il et restera-t-il l’un des artistes majeurs de la contemporanéité ? Le public tranchera.

Elisabeth Hopkins

 Catalogue réalisé sous la direction scientifique de Cécile Debray, Bernard Chauveau Edition, 2017. Nombreuses illustrations en couleurs. 248 pages. 39€.

Visuels : Bruce Nauman, Double Poke in the Eye II, 1985. Néons montés sur un monolithe d’aluminium, 61 x 91 x 24,5 cm. Stuttgart, Froehlich Collection © Collection Annita Froehlich, photo Augustin Esslingen © ADAGP, Paris, 2017. Francis Bacon, Study for a Portrait. Monaco.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 1er juillet au 5 novembre 2017
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle
34000 Montpellier
Ouvert du mardi au dimanche, y compris les jours fériés
De 10h à 19h
Fermé le lundi
Entrée : 10€
www.museefabre.fr