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Fuji. Fascination des peintres japonais

C’est à une double approche que nous invitent les commissaires avec un thème et une technique. Un thème bien défini, le mont Fuji, Fuji-san pour les Japonais, “trope de la culture de l’archipel”, et son corollaire, le paysage enneigé ; et l’estampe et son évolution du 17e siècle aux années 1950. Inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1973, ce volcan conique recouvert de neiges, culminant à plus de 3 500 mètres, fut vénéré comme lieu où résidaient les esprits du shinto, puis devint le but de pèlerinage shintoïste et bouddhiste (interdit aux femmes jusqu’au 19e siècle) qu’il est encore de nos jours. Dès le 14e siècle, il est un motif d’inspiration, mais l’estampe de paysage ne devient prééminente que lorsque les images ukiyo-e, reflets des divertissements éphémères urbains, sont censurés à la fin de la période Edo. Les artistes se tournent alors vers les paysages, renouvelant le style des estampes et satisfaisant les sentiments de nature très vif des Japonais. Le mont Fuji ou les paysages enneigés dans lesquels se perdent quelques minuscules personnages deviennent les thèmes majeurs dans les séries d’estampes de Katsushika Hokusai (1760-1849) (Trente-six vues du mont Fuji) puis de Utakawa Hiroshige (1797-1858).

La technique, passée du noir et blanc à l’usage de la couleur, implique une relation étroite entre l’artiste, le maître des couleurs, l’encreur et l’imprimeur. L’apparition au Japon d’une couleur synthétique, le bleu de Prusse au début du 19e siècle, permet, grâce à une gradation de la couleur très fine, la représentation plus intense de la mer ou du ciel sur lesquels se détache le mont Fuji, motif principal ou symbole récurrent dans un coin de l’estampe. Cette nouvelle couleur ne détourne pas les artistes des effets de neige, ils y travaillent sur le blanc du papier, utilisé en réserve. Au début de l’ère Meiji, dans les dernières décennies du 19e siècle, Kobayashi Kiyochika (1847-1915) introduit des éléments plus modernes et se libère de la ligne noire, tandis que Kawase Hasui (1883-1957), artiste du Shin-hanga, mouvement artistique porté sur les impressions atmosphériques, explore les phénomènes naturels (pluie, neige) dans des compositions simples annonçant les styles mangas et bandes dessinées (Neige à Sekiguchi, 1932).

Le mont Fuji reste toutefois à l’honneur dans l’art contemporain comme en atteste ce coton peint de 2011, aux lignes abstraites mais évocatrices de Samiro Yunoki (né en 1922). Des œuvres qui permettent de rêver en cette année 2020 où les possibilités de découvertes d’horizons lointains restent bien hypothétiques.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Katsushika Hokusai (1760-1849), Le col d’Inume dans la province de Kai (Kôshû Inume-tôge) - Dans Les « Trente-six vues du mont Fuji » (Fugaku sanjû-rokkei), 9e vue, vers 1829-1833.
Kawase Hasui (1883-1957), Neige à Sekiguchi, 1932. Estampe, impression polychrome (nishiki-e).

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 15 juillet au 12 octobre 2020
Musée national des arts asiatiques – Guimet
6, place d’Iéna, 75116 Paris
Tous les jours sauf mardi, de 10h à 18h.
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Entrée : 11,50 €
Réservation et e-billet en ligne conseillés : https://billetterie.guimet.fr
Réservation obligatoire les samedis et dimanches à partir de 13h
www.guimet.fr