L’autoportrait d’Hartung à l’âge de 18 ans nous reçoit et nous regarde, fier et goguenard, toisant une œuvre de près de soixante-dix ans, celle d’un Allemand qui a choisi de devenir peintre français. Dans cette exposition monographique, qui renoue avec certains des grands moments de la Fondation Maeght, il est essentiellement fascinant de suivre, preuves à l’appui, le développement de son « geste » et de sa « méthode » dès ses premiers carnets d’enfant et de jeune homme où, à travers traits, traces et taches s’annoncent déjà l’évidence et la promesse de l’abstraction. Au moment où Kandinsky invente l’abstraction, un jeune Allemand en fait sans le savoir... De salle en salle, on assiste à la construction du projet Hartung à travers ses carnets de projets et de gestion, ses « prémices », la classification des couleurs, les galets peints rarement montrés. On découvre son atelier et les nombreux outils que le peintre a utilisés, des matériaux détournés comme les cartons barytés et le cabinet de dessins des années 1930, moment fondateur qui occupe le milieu de la salle Giacometti. On s’étonne aussi de l’esprit de conservation et de collection de ses propres œuvres qui caractérisait Hartung. Cette exposition n’aurait pas été possible sans la collaboration de la Fondation Hartung Bergman, sise dans la maison et les ateliers du peintre à Antibes, qui diffuse et valorise son œuvre.
J.M. Masqué