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Japonismes / Impressionnismes

Avec l’ouverture commerciale et diplomatique du Japon en 1868, les artistes occidentaux découvrent des estampes, l’univers de l’ukiyo-e (images du monde flottant / du quotidien) ou encore les mangas. Un art à l’esthétique radicalement différente du modèle antique enseigné depuis des siècles et qui va insuffler de la liberté dans le langage plastique des impressionnistes, puis des postimpressionnistes. Publiée en France, La Manga de Hokusai, encyclopédie imagée du Japon en quinze volumes, va leur fournir un répertoire iconographique de modèles sur tous les sujets.

La déferlante du japonisme (mot apparu sous la plume de Burty en 1872) a commencé par une vague de collectionneurs. Claude Monet et Vincent van Gogh sont de véritables connaisseurs, mais l’enthousiasme est général et ils sont nombreux à se précipiter chez les marchands spécialisés comme Siegfried Bing pour acheter des estampes : Edgar Degas, Camille Pissarro, Mary Cassatt, Maurice Denis, Paul Signac, Edouard Vuillard, ou encore Pierre Bonnard, surnommé par ses amis « le Nabi très japonard », etc. Ils apprécient la vivacité des couleurs, les formes traitées en aplats, l’originalité de compositions fondées sur l’asymétrie et la juxtaposition de plans, l’immédiateté de l’instant saisi, l’hymne à la nature, mais aussi l’exotisme (et l’érotisme) des geishas.

L’art japonais s’immisce partout, dans le décor des ateliers, les intérieurs, sur les toiles. Les codes changent. Les artistes habillent leurs modèles de kimonos (George Hendrik Breitner, Jeune fille au kimono blanc, 1894), ajoutent ombrelles et éventails, se mettent aussi à en peindre avec un raffinement de couleurs et de matières comme Giuseppe De Nittis, Edgar Degas, Henri Guérard, Paul Gauguin, Pierre Bonnard ou Camille Pissarro. Des éventails destinés non pas à être pliés, mais encadrés et accrochés aux cimaises. Georges Seurat peint le rocher du Bec du Hoc à Grandcamp, en 1885 en lui donnant la forme incurvée de la vague d’Hokusai, et place sa ligne d’horizon très haute, comme sur les estampes japonaises. Gustave Caillebotte tapisse sa salle à manger d’un étonnant décor de marguerites. Vincent van Gogh dissémine des motifs ou des références à l’art nippon dans ses toiles, comme son portrait du Père Tanguy sur fond de gravures japonaises ou ces Harengs saurs sur un morceau de papier jaune évoquant le crépon, ce papier froissé aux couleurs vives et bariolées qui enveloppe les marchandises venues du Japon et qui sert aussi aux estampes populaires et bon marché. À Giverny, Monet mêle les univers végétal et céleste dans un même jeu de reflets et les limites de ses tableaux se perdent hors du cadre (Pommiers en fleur au bord de l’eau,1880).

Pour tous, le japonisme est devenu la nouvelle modernité. Mais chacun va librement s’en inspirer, créant autant de japonismes qu’il y a d’impressionnismes. C’est ce que révèle cette passionnante exposition de quelque cent-vingt tableaux, éventails, estampes.

Catherine Rigollet

 Catalogue, sous la direction de Marina Ferretti Bocquillon. 216 pages. Coédition Gallimard/Musée des Impressionnismes-Giverny/Arp museum. 29€

Visuels : Katsushika Hokusai, Kanagawa-oki nami-ura. Sous la vague au large de Kanagawa. Une estampe de la suite : Fugaku sanjurokkei. Les Trente-Six Vues du Mont Fuji. Signature de l’artiste : Hokusai aratame Iitsu hitsu. Estampe nishiki-e, oban, 24,1 x 36,2 cm. Ancienne collection Claude Monet. Giverny, Fondation Claude Monet © Giverny, Fondation Claude Monet.
Georges Seurat, Le Bec du Hoc, Grandcamp, 1885. Huile sur toile, 64,8 x 81,6 cm. Londres, Tate.
Vincent van Gogh, Les Harengs saurs sur un morceau de papier jaune. Mars 1889. Huile sur toile. Collection particulière.
Paul Signac, Femme se coiffant. Opus 227 (arabesques pour une salle de toilette)., 1892. Encaustique sur toile marouflée. Collection particulière.
Photos : L’Agora des Arts, 29 avril 2018.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 30 mars au 15 juillet 2018
Musée des Impressionnistes
99, rue Claude Monet – 27620 Giverny
Tous les jours, de 10h à 18h
Tarif plein : 7,5€
Gratuit 1er dimanche de chaque mois
www.mdig.fr

 


 À voir aussi : « Hiramatsu à Giverny »
Exposition de l’artiste Hiramatsu Reiji (né à Tokyo en 1941). Sept toiles et deux paravents inspirés des Nymphéas de Monet. Du 30 mars au 4 novembre 2018

 Prochaine exposition : Henri-Edmond Cross : peindre le bonheur. Du 27 juillet au 4 novembre 2018