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Joan Fontcuberta. Camouflages

Par le canular, l’insolite, l’imposture…et le vraisemblable, Fontcuberta, photographe talentueux doublé d’un ex-publicitaire spécialiste en sciences de l’information, livre dans l’exposition rétrospective Camouflages une espiègle et passionnante démonstration des immenses capacités de manipulation de l’image photographique, dans tous les domaines.

Tout semble vrai et tout est faux chez Joan Fontcuberta. Qu’il s’agisse de botanique, de zoologie, de géologie, de découverte spatiale, de religion ou de portraits, l’artiste nous entraîne dans une gigantesque opération de falsification des images, de camouflage de la vérité. Avec ce photographe né en 1955 à Barcelone sous la dictature franquiste -experte en censure et désinformation-, la nature documentaire de la photographie comme outil de connaissance et de crédibilité est mise en dérive, non sans humour et perversité. Ainsi ce grand herbier au premier abord hyper-scientifique, plus vrai que nature, est en réalité constitué de fausses planches botaniques. À y regarder de plus près, la supercherie apparaît, comme cette plante dont les épines ont été soigneusement piquées dans la tige et dont chaque pointe dépasse. Et ainsi, au fil de neuf séries autonomes, réalisées entre 1959 et 2012 et réunies à la Maison Européenne de la photographie, l’artiste co-commissaire de son exposition avec Jean-Luc Monterosso et Pascal Hoël aborde de manière critique les discours d’autorité que sont ceux de la science, de la religion, de l’art, de la politique, utilisant l’aura d’authenticité de l’image photographique pour répandre des rumeurs, fabuler, tromper notre regard.

Des vessies pour des lanternes

La série Fauna est constituée d’un bestiaire aussi monstrueux que merveilleux où se côtoient un serpent à pattes de poule, un chevreuil à ailes d’aigle, un singe-centaure, un poisson à jambes velues, etc. Des spécimens photographiés ou naturalisés et dont l’existence est « accréditée » par les archives des expéditions à travers le monde du Professeur Peter Ameiseuhaufen, mystérieux savant du XIXe siècle parti à la recherche d’exceptions à la théorie darwiniste et de malformations génétiques. Dans Sirènes, Fontcuberta met en scène les fossiles d’hydropithèques, une espèce inconnue de poissons à tête d’homme qui se seraient éteints au Miocène, une découverte faite au début des années 1950 par un certain abbé Fontana, dont la vie et les fouilles sont racontées avec moult détails. Dans Constellations, les immenses photographies d’étoiles scintillant dans la nuit…ne sont que des empreintes de moustiques écrasés sur le pare-brise de la voiture de l’artiste. Dans Spoutnik, Fontcuberta s’attache à démystifier le programme spatial soviétique des années 1960, ses photographies et informations trompeuses et ses impostures dévoilées après la chute du communisme. Dans Miracles & Co, le photographe s’est glissé au milieu d’autres novices pour suivre les cours de pratique de miracles donnés au monastère de Valhamönde en Finlande et révéler la vaste entreprise de supercherie de cette secte et la crédulité des gogos accourus pour apprendre à dominer le surnaturel. Et que penser de ces paysages splendides réunis dans la série Orogenesis ? De pures fictions réalisées avec un logiciel topographique !
Par le canular, l’insolite, l’imposture…et le vraisemblable, Fontcuberta, photographe talentueux doublé d’un ex-publicitaire, spécialiste en sciences de l’information, livre dans l’exposition Camouflages une espiègle et passionnante démonstration des immenses capacités de manipulation de l’image photographique.

Catherine Rigollet

Visuel page expo : Série Orogenesis. Orogenèse : Derain, 2004. Tirage à développement chromogène ©Joan Fontcuberta. Une photographie réalisée avec un logiciel topographique, et que Fontcuberta présente en lien avec le tableau de Derain, le Bosquet. Série Fauna. Solenoglypha Polipodida. 1985. Tirage gélatino-argentique viré au sélénium. ©Joan Fontcuberta.
Visuel page d’accueil : Série Miracles & Co. Munkki Juhani fait lire un chapitre du Kalevala à des suricates lapons. 2002. Tirage à développement chromogène ©Joan Fontcuberta

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 15 janvier au 16 mars 2014
Maison européenne de la photographie
5/7 rue de Fourcy – 75004 Paris
Du mercredi au dimanche de 11h à 20h
Plein tarif : 8€
Entrée gratuite le mercredi, de 17h à 20h
Tél. 01 44 78 75 00
www.mep-fr.org

 


 Autre exposition à la MEP : David Lynch
Cinéaste de renom, David Lynch est aussi artiste plasticien, designer et musicien. Pour la Maison Européenne de la Photographie, qui lui a donné carte blanche, il a imaginé « Small Stories ». De petites histoires, autour d’une quarantaine de ses photographies en noir et blanc, créées spécialement pour l’exposition.
Du 15 janvier au 16 mars