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Josef Koudelka. La fabrique d’exils

Le 21 août 1968, en réponse au Printemps de Prague qui avait ouvert la voie à des réformes, les chars des armées du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie et entrent dans Prague. Par prudence, la population s’abstient de toute résistance armée… Le lendemain, de nombreux Praguois manifestent en silence, drapeaux à la main. Sans résultat, ils se résoudront. On se souvient que par défi et désespoir, l’étudiant Jan Palach fera exception quelques mois plus tard, s’immolant par le feu sur la place Wenceslas. Josef Koudelka (né en 1938, en Moravie) est présent ce 22 août et photographie l’invasion soviétique. Pour ses clichés, publiés sous le pseudonyme P.P. (Prague Photographer), le photographe qui s’est lancé dans le métier à la fin des années 1960 après avoir été ingénieur aéronautique, se verra décerner anonymement le prix Robert Capa.

En 1970, peu après avoir photographié l’invasion de Prague par les chars soviétiques, Josef Koudelka décide de quitter la Tchécoslovaquie. Il habite à Londres puis à Paris (il est naturalisé français) et surtout il voyage à travers l’Europe. C’est pendant cette période qu’il réalise ses images qui composent Exils. Des images prises en Angleterre, Irlande, Espagne, Portugal, Italie, Grèce, Roumanie, Yougoslavie, Albanie, Suisse, France... Sans domicile fixe, son sac de couchage toujours en bandoulière, il est devenu un nomade permanent et n’hésite pas à introduire régulièrement dans son cadre : son ombre, sa main ou ses pieds. Déjà à Prague, il a photographié les chars avec un bras (le sien ?) et une montre devant la caméra comme pour mettre en évidence l’heure fatidique de la mort du Printemps de Prague et des espoirs de démocratie. De cette image devenue icône, Koudelka dira d’ailleurs que « c’est la photographie symbolique d’Exils », la série qu’il conçoit dans les années 1970 et 1980.

« Être en exil », souligne Koudelka dans un entretien avec Christian Caujolle, du quotidien Le Monde, publié le 23 mai 2015, « c’est tout simplement le fait d’avoir quitté son pays et de ne pas pouvoir rentrer. Chaque exil est une expérience individuelle, différente. Moi je voulais voir le monde et photographier. Cela fait quarante-cinq ans que je voyage ». « Être un exilé oblige de repartir de zéro. C’est une chance qui m’était donnée », dira-t-il encore.

Cette première exposition de Josef Koudelka, à Paris, depuis 29 ans, fait suite à sa donation au Centre Pompidou, en 2016, de la totalité des soixante quinze photographies de la série Exils. L’exposition dévoile trente-cinq images parmi les plus emblématiques de cette série, accompagnées de nombreux inédits tirés pour l’occasion. Le parcours est complété par un ensemble d’autoportraits réalisés par Koudelka au cours de ses voyages et jamais montrés jusqu’à présent. Outre le côté document sociétal de cette série Exils, souvent très éloigné de ce qu’on peut imaginer être un cliché d’exil, c’est surtout l’étrangeté innervant la plupart des images qui frappe. Un style et une grande homogénéité qui signent l’écriture photographique de Koudelka.

Catherine Rigollet

Visuel : Josef Koudelka, Invasion, Prague, 1968. Collection Centre Pompidou, Paris © Josef Koudelka / Magnum Photos © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.
Josef Koudelka, Irlande, 1976. Épreuve gélatino-argentique. 50 x 60 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. Don de l’artiste en 2016 © Josef Koudelka / Magnum Photos © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.
Josef Koudelka, France, 1980. Épreuve gélatino-argentique, 50 x 60 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. Don de l’artiste 2016 © Josef Koudelka / Magnum Photos © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.

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Infos pratiques

Du 22 février au 22 mai 2017
Galerie de photographies
Centre Pompidou
Tous les jours, sauf le mardi
De 11h à 21h
Galerie de photographies - Centre Pompidou, Paris
Entrée libre
www.centrepompidou.fr

 


 La Galerie de photographies du Centre Pompidou est un espace permanent qui abrite toute l’ampleur et la diversité de la collection du Centre Pompidou, riche de
40 000 épreuves et plus de 60 000 négatifs. En accès libre pour le public, cet espace inauguré en 2014 propose quatre expositions par an.