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Kandinsky, Marc & Der Blaue Reiter à la Fondation Beyeler

Wassily Kandinsky & Franz Marc : la paire la plus célèbre de la grande aventure du Blaue Reiter (Cavalier bleu). Deux artistes dont la postérité a fini par faire oublier que Der Blaue Reiter (nom qu’ils ont choisi car ils aiment tous deux le bleu et les chevaux), est au départ un almanach. Publié en mai 1912 aux éditions Piper de Munich, il rassemble des textes d’artistes et des œuvres très diverses, de tous les styles, de toutes les périodes, de toutes les cultures et de toutes les latitudes, toutes mises sur le même pied d’égalité. Le seul critère les unissant n’étant pas la forme, mais le contenu : « la nécessité intérieure ». Des œuvres des protagonistes du Cavalier Bleu, mais aussi de Robert Delaunay, Pablo Picasso ou Henri Rousseau, voisinent donc dans les pages de l’Almanach avec un masque du Gabon, des images votives, une gravure de Hans Baldung Grien (Fighting Horses in a Forest Clearing, 1534), des dessins naïfs ou encore des partitions de musique. On est bien loin d’un mouvement réunissant des artistes développant un style spécifique.

Fondé sur l’idée de l’œuvre d’art totale, combinant l’art, la littérature et la musique, l’Almanach (annuel) ne connaîtra toutefois qu’une seule édition à laquelle la Fondation Beyeler à Bâle consacre une salle entière, au centre de Kandinsky, Marc & Der Blaue Reiter , une vaste exposition sur l’un des chapitres les plus fascinants de l’art moderne avec au total près de 90 œuvres, dont des œuvres marquantes et rarement présentées de Kandinsky (Murnau – Place du marché avec montagnes, 1908) et Marc (Les grands chevaux bleus, 1911), mais aussi d’artistes qui leur sont proches : Gabriele Münter la compagne de Kandinsky, August Macke, Alexej von Jawlensky ou encore les frères Burliuk.

En ce début du XXe siècle, ce n’est pas la modernité que les membres du Blaue Reiter peignent, mais la nature, notamment celle des lacs et montagnes de la Haute-Bavière, dans des compositions d’une grande liberté formelle et chromatique, donnant un sens spirituel aux couleurs (le jaune est féminité et sensualité chez Marc, le bleu est énergie chez Kandinsky…), sans lien avec la réalité et surtout sans volonté d’effet décoratif.
Chez Franz Marc, qui cherche comme Gauguin à retrouver les sources d’un art originel et non perverti, les compositions combinent des éléments réalistes et abstraits, les couleurs sont posées en aplats fluides, la nature et les animaux sont représentés de manière expressive et avec un certain lyrisme comme Le Rêve, (1912) : une femme nue entourée d’un lion jaune et de chevaux bleus et roses ou encore Cheval dans un paysage (1910), un cheval à la crinière bleue, tête tournée vers une immensité herbeuse jaune et verte.
Chez Wassily Kandinsky, l’abstraction prime peu à peu sur une période fauve, sublimant le réel, s’approchant du spirituel. Les surfaces sont parfois fragmentées et cernées de noir, les teintes intenses, les touches de pinceaux rapides, musicales. Les compositions de ce pianiste et violoncelliste résonnent comme une symphonie de signes énigmatiques et de couleurs chargées de sens, telle l’une de ses 35 Improvisations, la numéro 10 (1910), que chaque visiteur pourra « interpréter » à sa façon.

Le 4 mars 1916, Marc est tué à Verdun, au cours d’une reconnaissance à cheval. Il avait 36 ans. Sa mort met un terme à l’expérience du Blaue Reiter dont l’histoire de l’art a surtout retenu l’audace et la fantaisie de ces deux principaux acteurs et de leur rêve d’une grande synthèse de l’art. Kandinsky poursuivra sa route vers toujours plus d’abstraction et de mysticisme, rejoignant Walter Gropius et Paul Klee à l’école du Bauhaus. Dans son œuvre ultime, L’Élan tempéré (1944), une huile sur carton conservée au Centre Pompidou, il a encore glissé un petit cavalier.

Catherine Rigollet

 À lire :
Le catalogue, sous la direction d’Ulf Küster (commissaire de l’exposition), reproduit l’ensemble des œuvres de l’exposition. 188 pages et 168 illustrations. CHF 62,50 (58€).

Visuels page expo : Wassily Kandinsky und Franz Marc (Hrsg.) Almanach Der Blaue Reiter, Munich, 1914. 29,5 x 23 x 2,5 cm, ahlers collection © Thomas Ganzenmüller, Hannover.
Franz Marc, La Vache jaune, 1911. Huile sur toile, 140,5 x 189,2 cm. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Solomon R. Guggenheim Founding Collection.
Wassily Kandinsky, Fugue, 1914. Huile sur toile, 129,5 x 129,5 cm. Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler. Photo : Robert Bayer, Basel.
Vue de la salle consacrée à l’Almanach. © CR.

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 4 septembre 2016 au 22 janvier 2017
Fondation Beyeler
Baselstrasse 101 – 4125 Riehen
Tous les jours, de 10h à 18h
Nocturne jusqu’à 20h le mercredi
Tél. +41 61 645 97 00
www.fondationbeyeler.ch