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L’attention au réel. L’art flamand et hollandais, d’hier à aujourd’hui

Cette belle et didactique exposition sur L’art flamand et hollandais entremêle des œuvres du XVe au XVIIIe siècle, sélectionnées parmi les collections du musée des beaux arts de Caen et du musée d’art et d’histoire de Genève, qui tous deux possèdent des fonds d’une remarquable cohérence dans ce domaine. Le parcours d’une centaine de tableaux et gravures s’articule en cinq sections : tableaux de dévotion, peintures d’histoire, portraits, scènes de genre, paysages et natures mortes. Et montre comment les genres nés au XVIe siècle (paysage sous l’influence de Joachim Patinir, portrait sous l’impulsion de Rubens, nature morte développée autour de 1600 par Jan I Bruegel, dit de Velours), triomphent au XVIIe siècle ; chacun devenant autonome et s’affirmant aux côtés de la peinture d’histoire, que les artistes délaissent pour s’intéresser aux choses de la vie, aux motifs simples qui les entourent, à l’attention au réel.

En particulier le paysage, qui, libéré de la finalité religieuse de l’art, n’est plus un simple décor, mais le sujet à part entière du tableau. Deux tendances se dessinent : l’hollandaise dépeignant une campagne paysanne traditionnelle (Jan van Goyen, Salomon van Ruysdael) et l’italianisante, plus idéalisée, dans la tradition inaugurée par Claude Lorrain à Rome, avec des scènes pastorales au milieu de ruines.
Au cœur de chaque salle, des gravures anciennes de Rembrandt, maître incontesté de la peinture hollandaise du XVIIe siècle et le plus grand aquafortiste de l’histoire (Le Christ devant Pilate ou l’Ecce Homo, 1636), mais aussi de Pieter der Heyden (L’Eté et le Printemps), de Goltzius ou de Ruisdael, témoignent, dans tous les domaines, le paysage en tête, de la montée en puissance du rôle de l’estampe au XVIIe siècle, avant de tomber en disgrâce au siècle suivant.

Le deuxième attrait de cette exposition est de montrer l’influence de cette peinture flamande et hollandaise des XVe au XVIIIe siècle sur des artistes contemporains travaillant en Flandre ou en Hollande. Cinq ont été retenus : Jan Fabre, Hendrik Kerstens, Fiona Tan, Cyprien Gaillard et Hans Op De Beeck ; leurs œuvres exposées au cœur du parcours. Dans la section portrait, le travail d’Hendrick Kerstens (né en 1956) est bluffant, tant ses œuvres trompent notre regard. Son modèle (Paula, sa fille) est photographiée sur fond noir, à la manière des grands peintres du Nord, en soignant la pose, la lumière et le rendu des matières. Seul anachronisme des accessoires : ici un col en fraise constitué d’un empilement de napperons de pâtisserie en papier (Doilly, 2011), là un sac plastique blanc en guise de bonnet. Dans la section paysage, Cyprien Gaillard (né en 1980) trompe tout autant avec ses paysages issus de gravures anciennes dans lesquels il a introduit des immeubles d’après guerre. Dans la section nature morte, à la manière silencieuse et poétique d’un Morandi, l’artiste flamand Hans Op de Beek (né en 1969) nous propose une vanité monochrome en verre sculpté (Frozen Vanitas, 2015), composée d’éléments iconographiques traditionnels (crâne, fruits, bougies, livre ouvert), mais aussi d’objets contemporains tels un escarpin, une canette de soda ou un téléphone portable : des objets de passions humaines encore plus dérisoires.

Catherine Rigollet

Visuels : Abraham van den Tempel, Portrait de femme, huile sur toile, 110 x 90 cm, Caen, MBA. Photo Pierre-Yves Duval.
Henrick Kerstens, Doily, 2011, photographie couleur. Collection de l’artiste. Photo : L’Agora des Arts.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 mai au 10 septembre 2017
Musée des beaux arts
Château – 14000 Caen
Jusqu’au 26 septembre, tous les jours
De 9h30 à 12h30 et de 14h à 18h en semaine
Sans interruption le week-end de 11h à 18h
Tél. 02 31 47 70
www.mba.caen.fr