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Les Combas de Lambert

Au printemps 1981, dans deux expositions réunissant les artistes de la Figuration Libre (selon Ben), iconoclastes, joyeux, saturant les toiles de couleurs primaires et de personnages loufoques, Yvon Lambert voit les œuvres de Robert Combas (né en 1957). Comme aux Etats-Unis avec Keith Haring, Julian Schnabel et Basquiat, comme en Europe avec Mimo Paladino, Georg Baselitz and Anselm Kiefer, la peinture revient, au son du reggae, du disco, et dans la prospérité. Deux ans plus tard, Lambert, rompant avec les œuvres conceptuelles ou minimalistes qu’il exposait dans les années 70, met ses cimaises à la disposition de Combas et commence sa collection. S’ensuit une longue et solide amitié entre artiste et galeriste qui accumule toiles, œuvres sur papier et autres supports, et les carnets du peintre (250 œuvres environ).

On reconnait facilement un Combas (dont on avait vu de superbes exemples au cœur de l’exposition de Michel Houellebecq au Palais de Tokyo l’été dernier). Un travail instinctif et jouissif sur les supports qui lui tombent sous la main : draps, cartons, toiles. Pas de pause pour le pinceau. Pas un centimètre carré de toile qui ne soit couvert par des couleurs franches cernées par des délinéaments noirs, des objets style art brut, des graphismes cabalistiques, des prédelles et souvent, la signature du peintre, joyeusement intrusive. Dans ce foisonnement chromatique, des personnages maladroits, contrefaits, grotesques presque, avec leurs sourires démesurés et leurs yeux qui, de face ou de profil, regardent toujours vers vous.

L’artiste donne les clés de son inspiration : « Pour moi, une toile peut être influencée par les publicistes naïfs africains, par l’illustration de livres d’école primaire, mélangée à Picasso ou Miro ou alors, un dessin genre BD, plus de fausses écritures arabes, plus une peinture brute, très Dubuffet ou Cobra. » Un autodidacte baigné de culture populaire qui n’a d’autre repère que ce que son imaginaire lui impose de mettre sur des toiles qui deviendront de plus en plus complexes au fil des années.

Les 200 œuvres, créées dans les années 80 et 90, se dispersent à tous les étages de l’hôtel particulier du 18e siècle, œuvres monumentales ou œuvres graphiques au crayon ou pastel, dans lesquelles on devine certains thèmes récurrents : la nature, la femme, les animaux, la musique, la religion, les amis (ici, une série de portraits affectueux). Mais surtout on boit, on mange, on fête, sur ces toiles agrémentées de textes humoristiques, narratifs, ponctués de fautes d’orthographe ou de grammaire. Accoudons nous au comptoir avec Les compagnons de la buvette (1986) : « Jojo et Matéo sont en pleine beuverie de samedi après-midi. Pas de fille avant ce soir, tous les bars d’en ville. Trois ou quatre rues, en tout, quinze bars. Jojo est au « ballon », Mattéo à la Eineken. Ils ont déjà bu dix verres chacun. Ils commencent à être joyeux. Ils se remémorent des chansons du bon vieux temps : « Vlan place moi l’éponge », « Sur le plancher des vaches » et « Tient, voilà du boudin », la chanson de la légion où Mattéo a passé quatre ans. Jojo, lui est allé en Indochine pendant les événements que l’on sait. A la fin de la journée il faudra qu’ils boivent autant de Cawa (café) salé pour dessaouler, pour recommencer le soir « en boîte » à « Pallavas les Muges », si ils se tuent pas en route ils reviendrons se coucher à 6 heures bien amarrés à leur lit. Et demain dimanche, banco jusqu’à 8 heures pas plus parce que lundi y a travail à l’atelier de peinture sur chatte frisée. » (Sic).
Entre textes et images rivalisant d’imagination et d’énergie, vous ne vous ennuierez pas !

Elisabeth Hopkins

Visuel page expo : Robert Combas, Les compagnons de buvette, 1986. Acrylique sur toile. Donation Yvon Lambert à l’État français / Centre national des arts plastiques / Dépôt à la Collection Lambert. Vignette : Robert Combas, Jojo et Momo font de l’aviron, 1986 (détail).

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 décembre 2016 au 5 juin 2017
Collection Lambert/Musée d’Art Contemporain
5 rue Violette - 84000 Avignon
De septembre à juin : du mardi au dimanche, de 11h à 18h
Entrée : 10 €
www.collectionlambert.fr