Lucien Clergue, photographe autodidacte influencé par Brassaï et surtout Edward Weston, exposé dès 1961 au musée d’art moderne de New York (MoMA) à l’invitation d’Edward Steichen, a fait d’Arles, où il est né en 1934, LA ville de la photographie. Dès 1965, inspiré par son expérience new-yorkaise, il imagine, avec la complicité de Jean-Maurice Rouquette, conservateur des musées et monuments d’Arles de 1956 à 1996, le premier département consacré à la photographie dans un musée français. Séduits par le projet, les grands photographes du moment font spontanément dons d’œuvres au musée Réattu ; Lucien Clergue lui-même offrira quelques 360 photographies, héliogravures et documents, au gré des temps forts de sa carrière. En 1969, inspiré cette fois par le festival d’Avignon, Clergue crée à Arles une manifestation analogue qui propose des expositions. Et dans l’élan de ces Rencontres de la photographie d’Arles, naît l’école nationale de la photographie à Arles, en 1982.
À 80 ans, Lucien Clergue reste un amoureux de l’image, « un furieux argentique », un passionné qui, malgré la maladie qui l’affaiblit, retrouve de l’allant pour promouvoir la photographie, entrée grâce à lui en 2006 à l’Académie des beaux arts comme 8e art, tandis qu’il devenait le premier académicien personnifiant cette discipline.
Le musée Réattu dirigé par Pascale Picard rend hommage à Clergue et à son combat sans relâche pour la photographie en exposant une belle sélection de ses œuvres en noir et blanc, héliogravures, photographies et portfolios recouvrant tous les thèmes chers à l’artiste : les gitans, les saltimbanques, les nus, la Camargue secrète et le langage des sables ; l’œil de Clergue y révélant avec poésie la richesse graphique du monde des sables de Camargue. Au fil du parcours, on découvre aussi la collection personnelle de Lucien Clergue qui, à travers les rencontres qu’il a effectuées tout au long de sa carrière a échangé, acheté ou reçu des photographies en cadeau, mais également des œuvres de la collection du musée Réattu (riche de près de 5000 pièces et qui fêtera ses 50 ans en 2015) et des épreuves mises en dépôt par les Rencontres. C’est donc un large pan d’histoire de la photographie que l’on traverse dans ce beau musée à l’architecture du XVe siècle baignée par les eaux du Rhône qui coule à ses pieds, avec des œuvres souvent iconiques signées Ansel Adams, Brassaï, Cecile Beaton, Jean Dieuzaide, Dora Maar, Izis, Robert Mapplethorpe, Man Ray, Edward Steichen, Agnès Varda ou Edward Weston...
Catherine Rigollet (juillet 2014)
Le fondateur des Rencontres photographiques d’Arles s’est éteint à l’âge de 80 ans, le samedi 15 novembre 2014 à Nîmes.
Visuel : Lucien Clergue, Vent sur les sables, Camargue, 1972, portfolio Langage des sables, 1975, épreuve argentique, Arles, musée Réattu, don du photographe en 1980. © Clergue 2014