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Malick Sidibé : Mali Twist

Y’a d’la joie, a-t-on envie de chanter en voyant les images de Malick Sidibé (1935-2016), photographe malien et “œil de Bamako”, honoré par une vaste rétrospective à la Fondation Cartier. Comme Seydou Keïta, Sidibé entre en photographie avec un simple Kodak Brownie Flash (boitier de bakélite au maniement facile). Quittant son village peul à 300 kilomètres de Bamako, il fait ses premières armes dans le studio d’un photographe français et dès 1958, couvre les fêtes de la bourgeoisie de Bamako avant d’ouvrir son propre studio en 1962. L’indépendance a été proclamée deux ans plus tôt, et malgré des tensions dans le pays, les jeunes bourgeois dansent sur des musiques occidentales, s’habillent avec raffinement, bref, s’amusent, et Sidibé capte dans son objectif une jeunesse pleine d’espoir qui saisit le jour dans les clubs (Nuit de Noël 1963) ou sur les rives du Niger (À la plage, 1974). “Un flash et une bonne distance”, dit-il, sont tout ce dont il a besoin pour immortaliser ces moments d’insouciance. En symbiose avec ces yéyés, à l’aise dans ces boîtes de nuit dans lesquelles il flashait mais ne dansait pas, Sidibé parvient même à nous faire entendre les rythmes qui animent ces jeunes Africains. Au lendemain de ces fêtes, Malick organise des pochettes de tirages pour inciter les fêtards à commander. On en voit ici quelques exemples.

Ces clichés des soirées bamakoises forment la plus grande partie de l’exposition. On y trouve aussi des photos de studio prises entre 1960 et 1980, une trentaine de portraits de composition sur fonds neutre ou rayé (contrairement aux tissus bariolés de Keïta), pour lesquels une ou deux poses suffisaient, rarement trois. Les modèles sont sérieux et fiers, une moto assoit le statut d’une jeune famille, et les pattes d’eph’ de celui ou celle qui les porte. À partir de 1980, la clientèle veut de la couleur (elle coûte moins cher que le noir et blanc) et le photographe se lance dans la réparation d’appareils traditionnels.
Les Rencontres africaines de la photographie de Bamako de 1994 révèleront Sidibé au grand public, et grâce à André Magnin, grand spécialiste de l’art contemporain africain, rencontré deux ans auparavant, il sera exposé ici même, à la Fondation Cartier en 1995. C’est le début du parcours muséal à succès d’un artiste qui sut, sans avoir recours aux clichés de l’anticolonialisme, nous faire visiter une Afrique joyeuse et libérée. À ne pas manquer.

Elisabeth Hopkins

Malick Sidibé, Regardez-moi !, 1962. Tirage gélatino-argentique, 99,5 x 100,5 cm. Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris © Malick Sidibé.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 octobre 2017 au 25 février 2018
Fondation Cartier pour l’Art Contemporain
261, boulevard Raspail, Paris 14e
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 20h,
Nocturne le mardi jusqu’à 22h
Fermé le lundi
Entrée : 12€
www.fondation.cartier.com