« Il voulait être Fra Angelico, un moine-peintre » raconte Claire Denis, petite-fille du peintre nabi. Maurice Denis (1870-1943) finalement se mariera deux fois, aura neuf enfants, et exprimera le spirituel dans sa peinture, en y mêlant foi et amour, sans jamais opposer sacré et profane. Le thème du printemps illustré dans cette exposition de Giverny en témoigne. Maurice Denis y peint la nature et l’amour, avec des rondeurs, des teintes ouatées et un engouement pour le blanc, celui des anémones dans les sous-bois, des fleurs de cerisiers, des anges de l’Annonciation et des longues robes de jeunes filles « sur le chemin de la vie ». En réaction avec l’Impressionnisme, l’artiste qui a participé à la création du groupe des Nabis en 1888, s’exprime avec une peinture à la fois réelle et symbolisée. Selon lui, « l’art n’est plus une sensation seulement visuelle que nous recueillons, une photographie, si raffinée soit-elle, de la nature. Non, c’est une création de notre esprit dont la nature n’est que l’occasion ». C’est ainsi qu’il représente Marthe, sa première épouse et figure centrale dans son œuvre : à la fois comme une icône et comme une femme sensuelle. On peut alors s’interroger sur le sens d’une exposition Denis le théoricien des Nabis, à Giverny sur les terres de Monet le maître de l’Impressionnisme. Le peintre de Saint-Germain est pourtant venu rencontrer l’auteur des Nymphéas à deux reprises en 1924, et a même fait plusieurs portraits du patriarche. Une reconnaissance et un hommage, comme celui fait à Cézanne en 1900. D’ailleurs, depuis 1898, Maurice Denis s’est éloigné des nabis et s’est tourné vers un nouvel ordre classique, préférant encore les Impressionnistes aux Fauves qui privilégient l’acte pur de peindre. Au-delà de la passion de Maurice Denis pour la nature, le printemps, les premiers émois amoureux et sa foi dans l’éternité, l’exposition de Giverny révèle un aspect moins connu de sa production, ses grands décors, notamment ceux réalisés pour l’hôtel particulier du musicien Ernest Chausson et surtout cet Eternel printemps (1908), dix panneaux décoratifs exécutés pour l’homme d’affaires et mécène Gabriel Thomas. Cet ensemble (partiellement présenté dans l’exposition) lie l’image du printemps profane (frise en grisaille) à celle du printemps sacré montrant l’amour et la vie d’une jeune femme, mêlés aux cérémonies du mois de Marie et aux premières communions. Un décor qui résume assez bien l’homme et son oeuvre.
Catherine Rigollet
– Maurice Denis fait aussi l’objet d’une exposition à Thonon-les-Bains, sur le thème de la Savoie. Du 31 mars au 10 novembre 2012. Musée du Chablais. Tél. 04 50 71 56 34.