Il est des expositions qui emportent l’assentiment général de tous ceux qui en sortent. Celle organisée par le Grand Palais sur Niki de Saint Phalle en est une, avec plus de 200 œuvres et archives superbement mises en scène et accompagnées de nombreux écrans montrant l’artiste commentant son travail. Portrait d’une sacrée nana en six adjectifs.
Révoltée et féministe
Dans le petit livre Mon secret publié en 1994, elle a enfin raconté (à 64 ans) les viols commis sur elle par son père, banquier digne et honorable, quand elle avait onze ans. Impossible dès lors de ne pas regarder et comprendre une grande partie de l’œuvre de ce « corps en morceaux, âme tourmentée », comme autant d’actes de révolte, d’exorcisme, de résilience. Les Tirs à la carabine sur papa et sur les hommes ; la prise de pouvoir des grandes Nanas, pas si poupées frivoles qu’elles en ont l’air, mais déesses et mères dévorantes d’une nouvelle société matriarcale ; les Mariées transformées en spectres blancs recouverts d’objets domestiques, notamment de jouets, préfiguration de la famille, cette arène où l’on s’entre-dévore…
Autodidacte et audacieuse
Née en France où elle passera une grande partie de sa vie, mais élevée aux États-Unis et choisissant d’y passer la fin de sa carrière, Niki de Saint Phalle est une autodidacte sous influences. Celle de Gaudi et de son parc Güell qui lui inspirera le Jardin des tarots, parc de vingt-deux sculptures monumentales et féeriques recouvertes de céramiques colorées (Toscane) ; celle de Dubuffet et de l’art brut, multipliant les assemblages symboliques réalisés en matériaux pauvres ; celle de Pollock qui l’impressionne avec ses coulures et l’énergie de sa peinture ; celle du surréalisme avec ses Tirs entre violence et jeu…Mais cette complexe rebelle, qui sut jouer de sa beauté comme mannequin tout en critiquant les stéréotypes, restera en dehors de tout mouvement, même si on intègre souvent la compagne de Jean Tinguely dans le groupe des Nouveaux Réalistes.
Engagée et optimiste
Niki de Saint Phalle a appliqué ses révoltes féministes dans son art, mais également ses engagements contre la ségrégation raciale, la guerre et la menace atomique, l’intolérance, le sida…
Mais est-ce la couleur et la causticité qui partout éclatent dans ses œuvres jusque dans ses têtes de mort ? On sent que celle qui avait décidé « de devenir une héroïne » a toujours su concilier la violence et le chaos d’un côté, le jeu et la joie de vivre de l’autre. Une sacrée nana.
Catherine Rigollet
Visuel page expo : Cheval et la Mariée, 1963, 235 x 300 x 120 cm, tissu, jouets, objets divers, grillage, Sprengel Museum, Hanovre, © BPK, Berlin, dist. Rmn-Grand Palais / Michael Herling / Aline Gwose.
Saint Sébastien (Portrait of My Lover / Portrait of My Beloved / Martyr nécessaire,100 x 74 x 15 cm , peinture, bois et objets divers sur bois, Sprengel Museum, Hanovre, donation de l’artiste en 2000© 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved / Photo : Laurent Condomina.