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L’univers truculent de Rebeyrolle à Chambord

On se plaît à imaginer le choc – d’admiration, de rejet, de surprise ? – que ne manquera pas de provoquer chez les nombreux visiteurs du château de Chambord la découverte des 50 toiles de Paul Rebeyrolle (1926-2005) accrochées sur 900 m2 dans les salles du second étage, notamment celles où, sur les célèbres voûtes à caissons, sont associés le monogramme F de François Ier et son emblème la salamandre dans des versions toutes différentes. L’irruption de l’art contemporain dans le patrimoine est devenue chose commune, presque un cliché lorsque des associations hasardeuses provoquent des mariages bancals... À Chambord, soucieux de remplir sa mission de médiation culturelle et de réfléchir au sens du monument qu’il considère d’ailleurs plus comme « une œuvre d’art monumentale que comme un château », Jean d’Haussonville, Directeur général du Domaine national, poursuit avec cette exposition sa « recherche assidue, authentique et documentée d’une correspondance, évidente ou secrète, entre des artistes, des œuvres et un lieu. » Avec son directeur de la programmation culturelle, Yannick Mercoyrol, ils ont fait appel comme commissaire de l’exposition à Jean-Louis Prat, passeur expert et zélateur de l’œuvre de Rebeyrolle qu’il exposa déjà en 2000 à la Fondation Maeght dont il assura la direction de 1969 à 2004. Dérangeants, truculents, violents, les tableaux grand format de Rebeyrolle sont essentiellement vivants tant la matière et les matériaux collés (bois, crin, tissu, grillage, paille, carton...) donnent une impression de réalité fulgurante. On retrouve dans cette exposition, qui bénéficie de prêts de collectionneurs, galeries ou musées (l’Espace Paul Rebeyrolle d’Eymoutiers notamment), un choix habilement agencée des principales séries du peintre, Le Sac de Madame Tellikdjian, Les Evasions manquées, Natures mortes et pouvoir, Les Panthéons, Clones..., mais aussi les Bacchus voraces de nourritures terrestres, forcément « embêtés par les chiffres » ! Ces éruptions humaines, animales (des singes bien sûr mais aussi un accouplement de la carpe et du lapin, des vaches, un sanglier...) et végétales (La Barrière admirable) entrent en connivence avec Chambord, lieu du pouvoir et de la démesure, et son parc giboyeux et veiné d’eau, par le truchement de l’artiste démiurge, affrontant et combattant le monde tout en le savourant aussi, organique et révolté. « On a la peinture de Rebeyrolle, écrit Francis Marmande dans le catalogue de l’exposition. Une des plus grandes du siècle. Une de celles qui permettent de comprendre les autres peintures, les classiques, les anciennes, les impostures, les impasses et celles de demain ».

Jean-Michel Masqué

Visuel : La barrière, 2000. Technique mixte sur toile, 250x270 cm. Galerie Jaeger Bucher / Jeanne-Bucher. © Jean-Louis Losy.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 10 juin au 23 septembre 2012
Château de Chambord-Domaine national de Chambord (Loir-et-Cher)
Tous les jours de 9h à 18h, visite comprise dans le ticket d’entrée du château (9,50 €, gratuit jusqu’à 25 ans).
Tél. 02 54 50 40 00
www.chambord.org

 Le catalogue de l’exposition comprend des analyses éclairantes de l’œuvre de Rebeyrolle de Francis Marmande, Yannick Mercoyrol et Jean-Louis Prat, 104 pages, Editions Somogy, 25 €.