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Sienne, Ars Narrandi aux origines de la Renaissance

On n’avait pas vu les peintres siennois ainsi rassemblés en France depuis l’exposition au Petit Palais d’Avignon, en 1983. Sienne et ses peintres, éclipsés sur les cimaises par les artistes de Florence, sa rivale toscane, sont peu connus hors d’Italie car trop souvent intransportables.

L’exposition, qui couvre les années 1280 à 1480, redonne vie à une communauté artistique vibrante, véritable passeur entre l’art byzantin et la Renaissance italienne. Les diptyques, triptyques, scènes de retables ou prédelles exposées chronologiquement révèlent l’extraordinaire évolution d’une peinture traditionnellement didactique mais de plus en plus narrative et chargée d’émotion. S’affranchissant des codifications de l’icône byzantine, elle introduisit une vraie humanisation des personnages sacrés, remplaça les fonds d’or par des paysages et inaugura l’art du portrait. Toutes nouvelles tendances qui répondaient aux goûts des commanditaires.

Les premiers peintres de l’âge d’or siennois furent Duccio, les frères Lorenzetti (enlevés par la peste noire de 1348) et Simone Martini (Vierge à l’enfant, 1300-10) que Giorgio Vasari lui-même crédite d’avoir « assoupli le hiératisme byzantin » et apporté« une certaine tendresse dans l’expression des physionomies ». Peintres des grands thèmes traditionnels -vie du Christ, la Vierge et les Saints-, ils insufflent une émotion nouvelle et installent une tradition que perpétueraient Taddeo di Bartolo (L’Adoration des Bergers/L’Adoration des Mages, panneaux de prédelle de 1409), Martino di Bartolomeo (L’Annonciation, c. 1408) et Bartolo di Fredi, qui s’inspirent de la Légende Dorée de Jacques de Voragine, rédigée dans les années 1260, pour des scènes de la vie des saints mais n’atteignent pas la technicité de leurs prédécesseurs. À partir de 1420, Sassetta, Giovanni Di Paolo (exquise Vierge de l’Humilité, c. 1450), et le Maître de l’Observance, fidèles à la préciosité picturale du Trecento renouvellent néanmoins le langage artistique, introduisant la perspective - une technique qui fut d’abord florentine-, le paysage, et humanisant le monde du divin. À la même époque, Sano di Pietro (L’Annonce aux Bergers, c. 1450) recherchait moins la nouveauté que le succès commercial de ses œuvres de dévotion privée. Dans la seconde moitié du 15e siècle, les artistes, tout en restant fidèles aux thèmes traditionnels de la Vierge et des saints, retournent aux sujets de l’antiquité classique.

Dans une salle séparée, a été installée une reproduction de la fresque dite du Bon et du Mauvais Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, peinte entre 1338 et 1340 pour le Palazzo Pubblico de Sienne. Attestant de la dynamique d’innovation des artistes siennois, ce qui fut la première commande profane introduit le paysage urbain et dépeint la vie quotidienne dans une Sienne florissante et la campagne alentour.

En coda de la découverte de ces peintres novateurs, et parce qu’il est dans l’air du temps que les commissaires suscitent des dialogues entre art classique et art contemporain, on visitera la salle réservée aux dessins de François Rouan (né en 1943) qui découvrit Sienne et la fresque de Lorenzetti à la suite de son séjour à la Villa Médicis à Rome dans les années 70. Ses dessins, créés à cette époque là, empruntent au peintre siennois certains de ses thèmes et motifs.

Elisabeth Hopkins

Giovanni di Paolo, La Vierge de l’Humilité, c. 1450. Tempera sur panneau (avec encadrement d’origine), 62,4 x 47,8 cm. Siena, Pinacoteca Nazionale.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 21 mars au 7 septembre 2015
Musée des Beaux-Arts
Esplanade M. Duchamp-76 Rouen
Tous les jours de 10h à 18h
Fermé le mardi et le 1er mai
Entrée : 9€
Tél : 02 35 71 28 40
www.mbarouen.fr

 

 Catalogue richement illustré par les œuvres dans l’exposition et par une iconographie accompagnant des textes d’introduction sur cette période florissante où Sienne passa de la culture gothique aux innovations de la Renaissance. 39€, Bozar Books, Ed.2014