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Splendeurs et misères de la prostitution en France au XIXe

À parcourir l’exposition Splendeurs et misères. Images de la prostitution en France au musée d’Orsay, on mesure la fascination exercée par les prostituées de la Belle Époque sur de nombreux artistes (masculins). De Manet et sa célèbre Olympia, à Picasso et ses Demoiselles d’Avignon, en passant par Toulouse Lautrec, qui ne cachait pas son obsession, ils les ont « croquées » sur tous leurs lieux de « travail », dans toutes les positions, s’appropriant tous les médiums, explorant les nouveaux comme la photographie puis le cinématographe, pour tenter de saisir entre académisme, impressionnisme, fauvisme ou expressionnisme cette prostitution aux multiples facettes, ce « mal nécessaire » disait-on au XIXe siècle.

Dans des petits salons tendus de tissu rouge et à la lumière tamisée, défile en quatre-cent-dix œuvres (dont certaines abritées des regards « innocents » par d’épais rideaux noirs), le monde interlope de cet univers de l’amour tarifé, où l’on travaille jour et nuit, dans la rue ou les maisons closes, les hôtels particuliers des courtisanes, les théâtres, les bars et les cabarets. Entre le Second Empire et la Belle Époque, Paris, avec ses boulevards, ses Folies Bergères, son Moulin Rouge et son Bal du Moulin de la Galette est une capitale des plaisirs. Les prostituées racolent sur les boulevards (Louis Anquetin, Femme sur les Champs-Élysées, la nuit) ou dans les terrains vagues (Steinlen, La Pierreuse). Les danseuses jouent « les filles faciles » (Jean Béraud, Les Coulisses de l’Opéra de Paris). Les pensionnaires des maisons closes attendent le client sous la surveillance de leur maquerelle (Gustave Courbet, Mère Grégoire). Les « filles » s’appuient au comptoir, parfois en proie à l’ivresse mélancolique (Edgar Degas, Femmes à la terrasse d’un café, le soir). Les courtisanes, cocottes, demi-mondaines et grandes horizontales règnent au lit, telle la belle maîtresse de Rolla qui fit son malheur (photo), ou la célèbre marquise de Païva, dont le lit en coquillage surmonté de petits angelots trône dans l’exposition à côté d’autres objets tout aussi surprenants, comme un fauteuil d’amour pour deux positions. Du sexe et de l’érotisme sans ambiguïté, dont le peintre et graveur Félicien Rops se fit le chantre et qui pouvait causer des ravages syphilitiques, comme en témoignent quelques peintures et photographies à vous dégouter de la chose. La femme fatale, cause de tous les maux, n’est pas absente de cette galerie de portraits, illustrée par la terrifiante Elle d’Adolf Mossa, idole assise sur un monceau de corps masculins.

Manque peut-être dans ce parcours, la rédemption, à peine ébauchée par Alphonse Mucha et sa Dame aux camélias (rédemption par l’amour) et qu’aurait pu symboliser le tableau de Julius Stewart, Rédemption, conservé à La Piscine à Roubaix. Une moderne Marie-Madeleine, qu’une diabolique main gauche griffue à quatre doigts attache encore à la table des plaisirs, mais qui frappée par la vision du Christ dont le reflet s’imprime dans un miroir derrière elle, s’apprête au repentir. Savoureux.

Catherine Rigollet

Visuels page expo : Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901), Femme tirant son bas, 1894. Huile sur toile, 58 x 46 cm. Paris, musée d’Orsay. ©RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
Henri Gervex (1852-1929), Rolla, 1878. Huile sur toile, 175 x 220 cm. Bordeaux, musée des beaux arts, dépôt du musée d’Orsay. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
Visuel page d’accueil : Louis Anquetin (1861-1932), Femme sur les Champs-Elysées la nuit, 1891. Huile sur toile, 83,2 x 100 cm. Amsterdam, Van Gogh Museum © VGM, Amsterdam.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 22 septembre 2015 au 20 janvier 2016
Musée d’Orsay
Tous les jours, sauf lundi, 9h30 à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
Plein tarif : 11€
Tél. 01 40 49 48 14
www.musee-orsay.fr

 

 Exposition présentée au Van Gogh Museum à Amsterdam, du 19 février au 19 juin 2016.