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Voyage sur la route du Kisokaidō. De Hiroshige à Kuniyoshi

Ce voyage sur la route du Kisokaidō, la première exposition proposée par le musée Cernuschi après sa réouverture à l’issue d’un chantier de rénovation de 9 mois, permet de parcourir, en quelque cent-cinquante estampes japonaises à la somptueuse polychromie, l’une des routes les plus empruntées pour traverser le Japon durant l’époque Tokugawa (1603-1868). Une voie bordée de paysages spectaculaires et d’une variété d’activités humaines.

Au début du 17e siècle, parmi les cinq nouvelles voies créées pour traverser le Japon, le Kisokaidō relie Edo (actuelle Tōkyō), où le shogun a sa résidence, à Kyōto, siège de l’empereur. Contrairement à la route du Tōkaidō, qui rejoint l’ancienne capitale en 53 relais le long de la côte, le Kisokaidō est jalonné de 69 étapes et traverse l’intérieur montagneux. Un itinéraire plus long, plus ardu en raison de la présence de neuf cols escarpés, mais dont le pittoresque séduit les artistes Keisai Eisen (1790-1848) et Utagawa Hiroshige (1797-1858), renommés pour leurs estampes gravées sur bois de l’ukiyo-e (littéralement « images du monde flottant »).
Ils vont dessiner à eux d’eux chaque étape de cette route, produisant une série d’estampes d’une grande qualité d’impression et à la somptueuse polychromie, révélant des paysages tout à la fois réalistes et idéalisés d’une exquise poésie et des scènes de genre saisies sur le vif.

Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō

Du premier au dernier relais, sous le soleil, la pluie ou la neige, en plaine ou en montagne, on croise des personnages à pied ou à cheval, cheminant souvent en file indienne et portant toutes sortes de marchandises. Le relais 18, situé au fond d’une vallée, est constitué d’un alignement de petites maisons bordées d’échoppes. De taille modeste, le relais 29 de Wada est perdu au milieu des montagnes et la neige n’y fond pas avant la fin du printemps. Pour atteindre le relais 41, les voyageurs doivent franchir un pont impressionnant surplombant la rivière Inagawa qui coule comme un torrent au fond d’un ravin (Keisai Eisen, Relais 41, Nojiri : vue du pont de la rivière Inagawa, 1835-38). La rivière Naraigawa, bordée de saules et de roseaux est plus paisible comme en témoigne un radeau et une barque transportant du bois (Hiroshige, relais 32). Sur la rivière Nagaragawa, on pratique en été la traditionnelle pêche au cormoran, au cours de laquelle les pêcheurs descendent la rivière, accompagnés d’une douzaine d’oiseaux dressés. Dans les relais, on s’arrête pour se reposer, fumer (les fumeurs portent leur étui et bague à tabac à leurs ceintures), prendre un bain, se restaurer (Hiroshige, relais 30, Shimosuwa, 1835-38). On déjeune aussi sur l’herbe avec des nécessaires à pique-nique dont l’usage très ancien s’est développé dans la classe paysanne, mais aussi à la cour et chez les riches marchands qui possèdent des nécessaires raffinés en bois laqué, or, argent et rouge semblable à ce nécessaire à pique-nique de l’époque Edo (19e siècle), exposé dans une vitrine.

Deux autres séries voient le jour sous les pinceaux de Kunisada (1786-1865) et de Kuniyoshi (1797-1861). Si la série de Kunisada conservée au Museum of Fine Arts de Boston n’a pu être présentée en raison de la crise sanitaire, un dispositif numérique permet toutefois de découvrir ces estampes qui toutes associent, à priori sans lien, le portrait d’un acteur du théâtre kabuki à une vue d’un relais de la route du Kisokaidō. Comme une sorte d’énigme à déchiffrer. Un principe repris par un Kuniyoshi à l’imagination débordante qui s’inspire d’épisodes littéraires ou historiques très populaires à l’époque d’Edo. Chaque paysage figure en haut à gauche de l’estampe, dans des encadrés dont la forme varie en fonction de l’histoire racontée sous un angle le plus souvent humoristique. Une série à l’iconographie particulièrement savoureuse.

L’ensemble du parcours de l’exposition est agrémenté d’un choix d’objets en lien avec les gravures exposées : armure, boîtes à calligraphie, katana, selle de bataille ou encore nécessaires à pique-nique. Une très belle exposition qui se déguste à petits pas pour apprécier tous les détails de ces quelque cent-cinquante estampes japonaises, dont certaines dévoilées pour la première fois au public.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 mai au 8 août 2021
Musée Cernuschi
7, avenue Vélasquez
75008 Paris
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Tel : 01 53 96 21 50
Tarif plein : 9 €
www.cernuschi.paris.fr


Visuels : Utagawa Hiroshige, Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n.29, Wada. 1835-1838. Xylogravure polychrome, format oban yoko-e ©Fundacja Jerzego Lekowicza.
Utagawa Hiroshige, Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n.32, Seba, 1835-1838). Xylogravure polychrome, format oban yoko-e ©Fundacja Jerzego Lekowicza.
Keisai Eisen, Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n.41, Nojiri : vue du pont de la rivière Inagawa, 1835-1838. Xylogravure polychrome, format oban yoko-e ©Fundacja Jerzego Lekowicza.
Utagawa Kuniyoshi, Les Soixante-neuf Relais de la route du Kisokaidō. Relais n.4. Urawa : le poissonnier Danshichi, 1852, 5e mois. Xylogravure polychrome, format oban tate-e, Paris, musée Cernuschi. Legs Henri Cernuschi, 1896.