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Tadao Ando. Le défi

L’architecte japonais (né en 1941) n’est inconnu ni des Parisiens ni des Vénitiens. Pour le collectionneur François Pinault, à Paris, il réagence la Bourse du Commerce pour en faire un espace muséal qui s’ouvrira au public en 2019, et dans la Sérénissime, toujours pour le même collectionneur, il a restauré le Palazzo Grassi et son Teatrino, et la Douane de Mer. C’est d’ailleurs une fort belle maquette de la Bourse parisienne qui ouvre le parcours de l’exposition, scénographiée avec un centre ceinturé (dédié au projet de l’île de Naoshima) qui n’est pas sans rappeler les cœurs de béton (rond ou carré) que Tadao Ando construit à l’intérieur de la Bourse, ou a installé au sein de la Douane de Mer.

Car Tadao Ando, comme Le Corbusier qu’il n’a pu rencontrer, utilise le béton, lissé, gris, pour l’intérieur ou l’extérieur de ses projets, sans pourtant oublier sa relation nécessaire et fusionnelle à la lumière, à travers le verre ou par ses ouvertures, immortalisée par la superbe série de ses photos de détails architecturaux. L’un de ses premiers travaux, la maison Azuma, dans les années 70 n’est qu’une petite boîte de béton percée d’une porte étroite où le patio fournit la lumière naturelle.
Les espaces muséaux et les lieux de spiritualité tiennent une part importante dans l’œuvre de Ando. La géométrie des lieux appelle à un dialogue entre la culture occidentale et la spiritualité dépouillée orientale, et relève, d’après le commissaire, d’une naturalisation de l’architecture et d’une spiritualisation de la nature. Sur l’île de Naoshima, projet de longue durée, Ando a voulu faire “une île de la nature imprégnée d’art”. Il y a construit plusieurs musées enfouis dans les collines, dont l’un accueille Monet, James Turrell et Walter de Maria, et un musée dédié à son ami coréen Lee Ufan. Dans son dernier projet, le Ando museum, il insère des volumes de béton dans des maisons de bois centenaires, contrastant matériau naturel et matériau industriel, passé et présent, ombre et lumière. L’île est devenue un lieu de grande attraction touristique.

L’un des projets les plus inédits est la Colline du Bouddha à Saporo. Ando a entouré une statue de Bouddha assis, d’une hauteur de 13 m, d’une colline de lavandes à la pente très douce, ne laissant que la tête émerger. Un tunnel de 40 mètres mène à la rotonde qui abrite la statue. Là encore, symbiose entre nature et spiritualité. Un ou deux projets refusés figurent aussi dans l’exposition. Dont celui de l’extension de la Tate Modern, finalement attribuée à Herzog et De Meuron. Ando aurait proposé un projet de terrasses pour mieux absorber un éventuel tsunami dans la région de Fukushima, idée rejetée au profit d’un monstrueux mur de béton de 400 km.
Voilà une exposition qui parlera aux architectes comme aux non-initiés. Photos, plans, maquettes et films permettent de comprendre et d’apprécier le travail de cet autodidacte, lauréat du Pritzker Prize en 1995, qui veut épurer l’architecture, la mettre en symbiose avec les éléments naturels, s’assurer “qu’elle fait vibrer le lieu et les hommes, bien au-delà de leur existence matérielle”.

Elisabeth Hopkins

Visuels page expo : La Colline du Bouddha à Sapporo dans l’île septentrionale d’Hokkaido. Photo Tadao Ando/Centre Pompidou.
Tadao Ando, Shanghai Poly Grand Theater, 2014 © Shigeo-Ogawa.
Visuel vignette : Tadao Ando. © Centre Pompidou.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 10 octobre au 31 décembre 2018
Centre Pompidou
75191 Paris cedex 04
Tous les jours, de 11h à 21h, sauf le mardi
Tarif 14 €
www.centrepompidou.fr

 

 Catalogue, sous la direction de Frédéric Migayrou, commissaire
24 x 28 cm, broché, 256 pages, environ 400 illustrations.
45 € - Coédition Flammarion-Éditions du Centre Pompidou-Bourse de Commerce / Collection Pinault - Paris