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Urs Fischer s’enflamme sous les ors du Palazzo Grassi

S’étonner et s’amuser avec un artiste pourquoi pas ? En essayant d’attraper Nach Jugendstiel kam Roccoko (2006) paquet de cigarettes froissé tournant au sol dans un mouvement infini ? En regardant deux sculptures en cire peinte se consumer lentement : Untitled et Untitled (2011) alias Urs Fischer les bras puissamment posés sur une table face à Rudolf Stingel assis dans une position de recul et de réflexion ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Ces deux sculptures auront disparu à la fin de l’exposition en juillet, l’artiste les ayant enflammées, un vendredi 13 avril, devant François Pinault. Il y aurait-il une beauté dans ce travail de destruction inéluctable et programmée de ces deux statues ? Pareille inexorable démarche, il l’avait eue lorsqu’il alluma les mèches de la copie en cire qu’il avait fait réaliser du marbre de L’enlèvement des Sabines de Giambologna pour la 54e Biennale d’art de Venise de 2011. Honneur à cet iconoclaste tatoué, au physique de rocker, qui ose sans se prendre au sérieux, qui questionne, dérange dans ses actes, bouscule, nous entraîne dans un déséquilibre visuel, ordonne ses interventions en tension et en discussion. Sous les ors des plafonds du palazzo Grassi, cette exposition monographique présente vingt années du travail de ce Zurichois – né en 1973 - vivant et travaillant aujourd’hui à New York.
Côtoyant Balloon dog de Jeff Koons et Keep It Going Is a Private Thing (2001) chien mécanique imaginé par Urs Fischer, remuant la queue et semblant creuser un trou au pied d’un pilier, Madame Fisscher (1999-2000) reconstitue fidèlement l’atelier londonien de l’artiste à la fin des années 1990. Bienvenue dans son espace de création donnant les clefs de son travail quotidien. On peut y entrer. « Madame Fisscher, c’est la décision d’offrir aux regards la scène principale d’un roman d’apprentissage qui se déroule en public, un Kunstlerroman » comme l’écrit Patricia Falguières dans « Urs Hero : portrait de l’artiste en jeune homme ».
Old Pain (2007) nous accueille, suspendu à mi-palier de l’escalier, demi-visage tenu à l’envers par une main, en dialogue avec le bas-relief dix-septième La Concorde et la Discorde. Cette idée de fragment corporel se retrouve dans les morceaux en polyuréthane d’un corps démembré : Untitled (Holes) (2006) fragments sensuel et sexuel d’un corps masculin et dans The Grass Munchers (2007) trois mains soutenant une ébauche de buste et ses deux bras, en un geste arrêté. Les circonvolutions suspendues rouge, bleu et noir de Spinoza Rhapsody, Mackintosh Staccato et Cioran Handrail (2006) ont pris place dans l’espace noble du portego ouvert sur la lumière du Canal’ Grande, face à la Ca’ Rezzonico, musée du XVIIIe vénitien. Parmi Necrophonia (2011) ensemble de sculptures figuratives conçu avec l’artiste allemand Georg Herold, une femme nue se promène, s’allonge sur une méridienne rouge ou s’assied dans un immense canapé Chesterfield bleu clair. L’histoire de l’acte de création de la sculpture - ce « work in progress », cet écho de l’atelier - se rejoue devant nous, dans ce dialogue-opposition entre les bronzes patinés encore hérissés d’évents et le modèle professionnel. L’exposition se clôt par A Light Sigh is the Sound of My Life (2000-2001) immense boule tournant lentement sur elle-même et occupant presque toute la pièce.

Gilles Kraemer

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Urs Fischer Madame Fisscher
Du 15 avril au 15 juillet 2012
Palazzo Grassi
Campo San Samuele 3231
30124 Venezia
(vaporetto San Samuele ou Sant’Angelo)
Entrée 15€
Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 10h à 19h
www.palazzograssi.it

 

 

 Catalogue conçu et publié par l’artiste, textes de Caroline Bourgeois, Patricia Falguières et Michele Robecchi.

 On peut aussi voir à Paris l’exposition Urs Fischer : « Schmutz Schmutz (sale), à la Gagosian Gallery, jusqu’au 26 mai 2012.