Depuis Anvers où il était installé, un éditeur et entrepreneur, européen avant l’heure, diffusait aux quatre coins de l’Occident des estampes gravées sur cuivre dont certaines continueront à être tirées sur les mêmes plaques jusqu’au XVIIIe siècle. Voici la belle histoire de Hieronymus Cock (1518-1570) qui fonda, en 1548, avec son épouse Volcxken Diericx la maison d’édition d’estampes « Aux Quatre Vents », joli nom évocateur car son enseigne représentait quatre têtes de putti soufflant !
Cette exposition de plus de 200 estampes et dessins présentée à l’Institut néerlandais évoque cet homme, également graveur, qui joua un rôle essentiel dans le développement de l’estampe et sa diffusion jusqu’à Francfort, Paris, l’Espagne, l’Italie ou l’Espagne.
Comme le souligne l’un des commissaires, Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia (abritant les locaux de l’Institut néerlandais), « tous les grands piliers de l’atelier de Cock sont là », dans l’évocation de l’Italie, des mondes fantastiques et réels, de l’architecture, avec tous ces talentueux graveurs dont il s’assura les service et tous ces grands maîtres auxquels il passa commande d’estampes.
À commencer par Pierre Bruegel l’Ancien, à qui Cock doit sa renommée et son succès. La coopération entre le peintre et son éditeur serait d’une soixante de feuilles. L’exposition présente un riche corpus avec des scènes burlesques, la série des Sept pêchés capitaux et des Sept vertus, les douze Grands paysages et le Grand paysage alpestre -si réalistes qu’ils firent dire alors que Bruegel avait avalé la nature ample et grandiose des Alpes pour la restituer ensuite-, et le dessin préparatoire La chasse au lièvre, l’une des pépites de la fondation Custodia, confronté à son eau-forte et burin, l’unique estampe que le maître nordique grava.
Cock a joué un rôle pionnier dans la mode de la « ruinomania » qui persistera jusqu’à Piranèse en éditant la suite du Grand livre des ruines et la reconstitution monumentale et très scientifique des Thermes de Dioclétien. Faisant interpréter sur cuivre l’œuvre des maîtres italiens, d’Agnolo Bronzino à Giulio Romano ou Luca Penni, Cock sut attacher à son service le célèbre graveur italien Giorgio Ghisi qui grava L’École d’Athènes d’après la fresque de Raphaël ou Cornelis Cort qui incisa Jupiter entouré des dieux de l’Olympe d’après Le Primatice, présenté ici à côté de son dessin préparatoire.
Ne se limitant pas à la diffusion de l’art transalpin, il mit à l’honneur les maîtres néerlandais tels Frans Floris ou Johannes Stradanus et exploita l’imagerie fantastique de Jérôme Bosch, dont l’œuvre restait toujours aussi populaire près de cinquante ans après son décès.
La maison « Aux quatre vents » avait aussi une politique d’édition plus pragmatique, développant une production cartographique, éditant des vues de ville, promouvant le langage ornemental auprès des orfèvres ou vantant l’architecture. Fidèle partisan de la dynastie des Habsbourg, il dessina les 34 planches du Cortège funèbre en l’honneur de Charles Quint, long de 11 mètres, et édita la série des 12 Victoires de Charles Quint. Précipitez-vous pour toutes ces merveilles gravées et dessinées rarement présentées.
Gilles Kraemer
Joannes et Lucas van Doetecum d’après Pieter Bruegel l’Ancien, Grand paysage alpestre. Vers 1555, eau-forte et burin, 38,8 x 46, 8 cm. Fondation Custodia, Paris.