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Luxe et pouvoir. Perse vs Grèce

De 490 à 479 avant J.C., les Perses tentent d’envahir la Grèce. Sans succès. Aux yeux des Grecs, leur victoire est due au triomphe de la vie simple sur la vie de luxe de ces « barbares ». Luxe attesté par Hérodote qui raconte que lors de la prise d’une tente de commandement militaire du roi de Perse, les troupes grecques furent sidérées par le luxe et la richesse des objets qu’elle contenait. Rien n’illustre mieux les différences tant artistiques que philosophiques entre ces deux civilisations que deux objets présentés dans l’exposition : Côté achéménide, un rython d’argent et d’or, magnifiquement décoré d’un griffon, utilisé par le roi pour verser le vin d’un geste théâtral dans une coupe, et qu’il utilisait comme symbole d’un pouvoir prestigieux voire despotique ; côté grec, un gobelet de céramique à anse, orné d’une tête d’oiseau (indéniable influence perse), objet d’utilisation quotidienne et démocratique.

Luxe perse et simplicité grecque

Mais il faut voir plus loin : si la dynastie Achéménide usait de ces magnifiques objets pour asseoir son influence et son autorité dans les satrapies qu’elle formait dans la région, les Grecs – historiens principaux et pas toujours objectifs de l’empire Perse – tout en rejetant ce luxe comme marque d’une civilisation décadente, adoptèrent certains de ces styles tout en tentant de les rendre plus acceptables dans un système qui se voulait démocratique. À l’inverse des objets plus ordinaires en bronze ou terre cuite furent découverts dans les tombes de soldats perses. Au siècle suivant, Alexandre, vainqueur des Perses, finirait par fusionner les styles grec, perse et locaux pour instaurer un nouveau style de gouvernement.

Fusion des styles sous Alexandre

En plus des rythons et autres récipients à boire, on peut admirer des flacons et des coupes de verre, un matériau qui commençait à rivaliser avec l’or et l’argent, un vêtement royal perse, et un bas-relief de Turquie où le potentat local utilise un parasol comme symbole de son autorité, comme en Perse. En Grèce, on utilisera aussi le parasol, mais on le rendra purement utilitaire en le mettant dans les mains des femmes qui, à cette époque, ne jouaient aucun rôle politique. Une couronne d’or au motif de feuilles de chêne venue de Turquie, du type de celle que l’on trouvait dans les riches tombeaux de Macédoine, est une autre preuve de la diffusion des objets luxueux dans la région.

L’interaction des deux civilisations est visible dans certains objets. Le bas-relief ornant une tombe de style grec du début du 4e siècle, montre un banquet où rythons et autres coupes sont utilisés, tout comme des coupes à boire en terre, avec anse et tête d’animal, sont d’amusantes variations sur les formes perses.
On ne manquera pas l’extraordinaire Trésor Panagürichté, venu de Bulgarie, un ensemble de 9 récipients (phiale - coupe large et plate -, amphore, rythons) en or pour la table. Découverts en 1949, ils remontent à l’ancienne Thrace,au début du 4e siècle avant J.C. et attestent des deux influences : perse pour les formes, grecque pour la décoration.
À voir ces superbes objets, remarquablement présentés et expliqués, on peut se demander si, comme les Grecs de cette époque l’affirmaient, le luxe de ces objets étaient vraiment le signe d’une décadence. Deux millénaires plus tard, on sait que l’ostentatoire (hélas, souvent de mauvais goût) est encore trop souvent la meilleure façon pour les dirigeants de prouver leur incontestable autorité.

Élisabeth Hopkins

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 4 mai au 13 août 2023
The British Museum - London
Ouvert tous les jours de 10h à 17h
Nocturne le vendredi jusqu’à 20h30
Entrée : £15
https://www.britishmuseum.org/


Visuels :
 Vue de l’exposition Luxury and power Persia to Greece © The Trustees of the British Museum.
 « Gilt silver rhyton »