Vous consultez une archive !

Médecines d’Asie : un parcours par-delà les frontières et le temps

Conçue comme un voyage intérieur et introspectif entre corps et surnaturel, cette exposition consacrée aux trois grandes traditions médicales de l’Orient (Inde, Chine, Tibet) présente plus de 300 œuvres dans un parcours par-delà les frontières et le temps.

Quelles sont donc ces coulées blanches qui serpentent sur le sol sombre de la première salle de l’exposition ? Une installation vidéo qui symbolise les flux énergétiques irriguant le corps humain sur lesquels se basent les thérapies asiatiques. Une intrigante introduction aux traditions médicales de l’Inde, de la Chine et du Tibet. Les quelques « techniques » que nous connaissons en Occident (moxibustion, acupuncture, yoga et autres pratiques énergétiques) cachent la richesse des pratiques médicales asiatiques et leur approche holistique mêlant le soin du corps et les soins de l’esprit et de l’âme. Car si la médecine occidentale traite la maladie, la médecine asiatique, elle, cherche à entretenir la bonne santé. Le dialogue « santé » entre Orient et Occident ne date pourtant pas d’hier et est richement illustré en fin de parcours avec des encyclopédies, un mannequin d’acupuncture rapporté du Japon au 17e siècle, tandis qu’un long rouleau japonais s’intéresse à la dissection occidentale d’un cadavre de condamné à mort.

En Inde, l’Ayurveda, médecine préventive, recourt aux puissances divines. Son diagnostic est basé sur l’examen de trois humeurs (le vent, la bile et le phlegme) commandées par des divinités. Leur équilibre signifie un patient en bonne santé. Au Tibet, la médecine emprunte à la médecine ayurvédique aussi bien qu’à la médecine chinoise (prise du pouls), tout en faisant appel à d’autres pratiques « magico-religieuses ». En Corée, sorte de parenthèse dans le parcours de l’exposition, le chamane est dépositaire des rites de guérison.

Les objets exposés ici, et fort bien documentés, mettent en valeur un art qui marie médecine et sacré. Ils mettent en valeur, par leur diversité, le rôle des divinités telles Bhaishajyaguru, « le Maître des remèdes » ou « Bouddha de médecine ». On le découvre, peint à la détrempe sur une toile tibétaine du 14e siècle ; debout, en statue japonaise de bois doré, datant du 19e siècle et plus loin, assis, en toute petite représentation chinoise de laiton doré. Il existe aussi des divinités plus néfastes : Palden Lhamo, une divinité tantrique peut déclencher ou neutraliser les pires maladies ou en protéger ceux qui la vénèrent. Les statues de bodhisattva, elles, rassurent par la miséricorde ou prolongent même la vie.

Dans un domaine plus concret, les Quatre Tantra de la médecine tibétaine (théorie de la science médicale, maladies et des méthodes de soins) furent enseignés et mis par écrit par un savant lettré du 12e siècle. On peut en voir ici une édition contemporaine. Et une salle entière est dédiée à la pharmacopée – à base de plantes dont les plus connues nous sont les noix d’arec ou le pavot – traitée et conservée dans des récipients ou des écrins devenus objets de musée.

Autant que le médecin, l’astrologue, l’exorciste ou le chaman peuvent être convoqués pour soigner le déséquilibre des flux énergétiques. L’astrologue conseillera une date propice pour la cérémonie, l’exorciste, dont la pratique est littéralement mise en scène, s’équipera de masques ou de tabliers, alors que le chaman coréen fera appel aux esprits guérisseurs avec ses tambours.
Tous ces objets magnifiques nous ouvrent à un monde thérapeutique fort mal connu, où l’homme de science n’est pas le seul à gérer la santé et n ’hésite pas à solliciter ceux dont les liens avec le monde spirituel peuvent aider à écarter la maladie, voire la guérir. Une passionnante découverte à faire cet été.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 13 mai au 18 septembre 2023
Musée national des arts asiatiques – Guimet
6, place d’Iéna - 75116 Paris
Ouvert tous les jours, sauf le mardi
De 10h à 18h
Entrée : 11,50 €
https://www.guimet.fr


Visuels :
 Chemise talismanique. Inde du Nord, période des Sultanats, 15e-16e siècle.
Toile de coton peinte au calame, or. H. 61 cm ; L. 96 cm. Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet, donation Jean et Krishna Riboud (1990). Photo (C) RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Jean-Gilles Berizzi.
 Vue de l’exposition, photo Thierry Ollivier.
 Masque Mahakola Sanni Yaka. Sri Lanka, 19e siècle. Photo Pitt Rivers Museum, University of Oxford.
 Docteur prenant le pouls de son patient, Felice Beato (1832-1909)
Album « Views and costumes of Japan », studio SGllfried & Andersen. Japon, Yokohama, 1877-1880. Epreuve à l’albumine sur papier, coloriée. H. 19,5 cm ; L. 24,2 cm. Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet. Photo (C) MNAAG, Paris, dist. RMN-Grand Palais / image musée Guimet.
 Vue de l’exposition, photo Thierry Ollivier.
 Mannequin d’acupuncture. Chine, dynastie Qing, 18e siècle
Papier et carton, laqué et peint – H. : 46,5 cm ; l. : 14 cm. Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet, don Sir Humphrey Clarke (1967).
Photo (C) RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier.