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Monet-Auburtin. Une rencontre artistique...à Giverny

Mais qui est donc Auburtin, vous demanderez-vous en découvrant ce nom accolé à celui de Monet. Pour une fois, ne vous attardez pas trop longtemps sur le maître impressionniste de Giverny. Une quinzaine de ses huiles figurent sur les cimaises, certaines lumineuses, telle L’Aiguille et la Falaise d’Aval, 1885, et certaines plus discrètes (Étretat, 1884). Embarquez plutôt en compagnie de Jean Francis Auburtin (1866-1930), qui eut l’audace de peindre à l’huile ou à la gouache, les paysages de la Méditerranée, de Belle-Ile et de la côte normande qu’avait si finement captés son prédécesseur (1840-1926).
Dans les années 1880-90, Monet peint sur les bords de la Méditerranée, captivé par la lumière et les contrastes mer/montagne. À la recherche de sujets plus inédits, il s’installe à Belle-Île, et malgré les caprices de la météo, se laisse séduire par la “sauvagerie” des roches et de l’océan, non sans retourner régulièrement sur les bords de la Manche, sa plus belle source d’inspiration, où sa peinture devient plus douce et fluide.

Dans une Troisième République on l’on crée frénétiquement de grands chantiers d’aménagement, Auburtin, comme nombre de ses contemporains, participe à la décoration intérieure d’édifices publics (Sorbonne, Gare de Lyon). Ce sont des projets longue durée et il y travaillera jusque dans les années 1920. Il se fait une spécialité de placer ses nymphes et naïades symbolistes (il a retenu les conseils de Puvis de Chavannes) dans un décor maritime fidèle à la réalité. Son travail de décorateur ne l’empêche pas de découvrir les 149 toiles de Monet exposées à la Galerie Georges Petit en 1889, année de l’Exposition Universelle, mais on n’est pas certain qu’ils se soient jamais rencontrés. Comme Monet, Auburtin aime voyager. En 1894, il découvre Belle-Ile, lieu d’expérimentation pour Monet quelques années plus tôt, et y reviendra régulièrement, y trouvant même un motif d’inspiration pour la décoration du Conseil d’État en 1921. Entre 1897 et 1905, il explore à son tour les calanques et autres escarpements de Marseille à Vintimille, et c’est au tournant du 20e siècle qu’il découvre Étretat et Varengeville, où il se fait construire une maison.
Ce sont donc les mêmes sites, peints sur le motif du même point de vue et avec le même cadrage que l’on retrouve sur les toiles des deux peintres (Monet : Les Pyramides de Port-Coton, mer sauvage, 1886 et Auburtin : Les sorcières, aiguilles de Port-Coton, c. 1895-96).

Tous les deux excellent dans le dessin, et dans l’art de la composition, mais Auburtin ne se soucie pas d’imiter son aîné. À Belle-Ile, à la luminosité des petites touches impressionnistes de Monet, à l’éclat de sa peinture à l’huile et à la pureté de ses blancs, à ses ciels diurnes, répondent, amplifiés par la matité de la gouache qu’il mêle au pastel, la dramaturgie atmosphérique d’Auburtin, ses ciels incendiés, ses mers sombres et ses rochers crépusculaires. À l’atmosphère nuancée d’un Monet qui cherche à aller au-delà des apparences, s’oppose la matérialité de la roche et de l’eau d’Auburtin. Sur la côte normande, Monet simplifie ses motifs, fluidifie sa touche ; Auburtin, selon Louis Vauxcelles, « couvre puissamment la trame et obtient ainsi une résonance profonde, moelleuse et mate ». Tout est dit.

Merci aux commissaires de nous offrir des Monet de Tokyo, d’Amérique ou d’Edimbourg qui nous sont moins familiers, mais merci surtout de nous faire découvrir, car ses œuvres proviennent toutes de collections privées, Auburtin, peintre dont le talent ne faiblit pas, même en si impressionnante compagnie.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Claude Monet, Au cap d’Antibes, 1888. Huile sur toile, 65 x 92 cm. Ehime, Musée départemental des beaux-arts. Jean Francis Auburtin, Cap des Mèdes (Porquerolles), 1896. Huile sur toile, 65 x 92 cm. Collection particulière. © Tous droits réservés. Photo : François Doury.
Claude Monet, Les Rochers de Belle-île, La Côte sauvage, 1886. Huile sur toile, 65,5 x 81,5 cm. Paris musée d’Orsay, legs de Gustave Caillebotte, 1894. © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski. Jean Francis Auburtin, Les Sorcières, aiguilles de Port-Coton, vers 1895-1896. Gouache sur papier, 50,5 x 67 cm. Collection particulière © Tous droits réservés. Photo : François Doury.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 22 mars au 14 juillet 2019
Musée des Impressionnismes Giverny
99 rue Claude Monet
27620 Giverny
Ouvert tous les jours, de 10h à 18h
Entrée : 7,50 €
www.mdig.fr