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Nicolò Manucci, le Marco Polo de l’Inde

L’été sévit en cette fin septembre sur la Sérénissime. Sur les fondamente, les calle, les piazze, les valises à roulettes des touristes et les caddies chargés des vénitiens se disputent le moindre centimètre carré de pavé. Aux rambardes des ponts, on est au coude à coude et les vaporetti sont pris d’assaut. Ici et là, sur les murs, une affiche prometteuse : « Nicolò Manucci, il Marco Polo dell’India », au Palais Vendramin Grimani, sur le Grand Canal, à mi-chemin entre le Rialto et le pont de l’Accademia. Peut-être y sera-t-on plus au calme !

L’histoire de ce Palais d’aspect Renaissance commence au XVe siècle quand les Vendramin acquièrent une maison-entrepôt sur le Grand Canal. Elle est transmise de fils en fils (y compris un Doge) pendant un demi-siècle jusqu’à l’entrée dans la famille, par alliance, d’une Grimani. De ce mariage nait un fils et la branche des Grimani dell’Albero d’Oro qui doit son nom à la « pureté » de la famille arrivée à Venise au XIIIe siècle. Au fil des siècles, le bâtiment s’agrandit et est décoré, au début du 19e siècle, de fresques italiennes. Depuis 2018, le palais, propriété d’une société foncière privée et siège de la Fondazione dell’Albero d’Oro, veut redevenir un lieu culturel.
À l’étage, on y découvre actuellement une passionnante présentation de l’explorateur Nicolò Manucci (1638-1720, soit presque quatre siècles après Marco Polo, le découvreur de la Chine).

Nicolò Manucci, il Marco Polo dell’India : Un veneziano alla corte Moghul del XVII secolo.

Manucci, fils d’un artisan vénitien, fut pris très jeune d’une furieuse envie de découvrir le monde. Passager clandestin à 14 ans d’une tartane (petit bâtiment à voile triangulaire) voguant vers l’Empire Ottoman, il est sauvé par un lord anglais en mission secrète pour Charles II d’Angleterre qui en fait son serviteur. Après avoir traversé la Perse, Manucci finit par s’installer à la cour moghole en Inde, s’engage dans l’armée et plus tard, devient médecin. Il est envoyé en mission à Goa par les Portugais et finira sa vie à Pondichéry. Il ne sait ni lire ni écrire, mais parle plusieurs langues dont le persan, et dicte néanmoins, en plusieurs langues, l’histoire politique, sociale, religieuse, et culturelle de l’empire Moghol avec quelques scènes autobiographiques, la Storia do Mogor qu’il envoya au Sénat de la République vénitienne, avec des dizaines de miniatures mogholes rassemblées dans le Livre Rouge (Libro Rosso) et de miniatures hindoues dans le Livre Noir. Manucci mourra avant que ne soient publiés ces manuscrits. Certaines de ces miniatures prêtées par les bibliothèques européennes où elles sont conservées, des manuscrits (consultables dans leur version numérique) et quelques objets illustrent la fascinante trajectoire de Manucci, y compris ses activités de conseiller à la cour moghole ou de médecin, lui qui n’avait jamais étudié la médecine. Une découverte passionnante.

Elisabeth Hopkins

Archives expo en Europe

Infos pratiques

Du 29 avril au 26 novembre 2023
Fondazione dell’ Albero d’Oro
Palazzo Vendramin Grimani
San Polo, 2033
30125, Venise
Ouvert du mardi au dimanche.
10h - 13h / 14h – 18h
Entrée : 13 €
www.fondazionealberodoro.org


Visuels :

 Portrait de Niccolò Manucci. Bibliothèque Nationale de France, Cabinet des Estampes, Paris.

 Manucci (à droite) prenant le pouls d’un patient. Peinture vers 1700.

 Le Palazzo Vendramin Grimani (au centre), également appelé Palazzo Grimani Marcello, abrite la Fondation dell’Albero d’Oro.

 Affiche de l’exposition « Nicolò Manucci, il Marco Polo dell’India : Un veneziano alla corte Moghul del XVII secolo ».


A voir aussi au Palazzo Vendramin Grimani : Nikos Aliagas : Regards vénitiens

Autre ambiance au rez-de-chaussée, des photos de la Sérénissime, ou plus précisément du sestiere San Polo où se trouve le Palais. Un regard très humble devant le charme et la beauté de la ville, un regard ému devant ses faiblesses, une recherche constante de sa poésie, une empathie pour les vrais vénitiens, voici ce qu’offre le travail en noir et blanc de l’animateur de radio et télévision franco-grec, qui avoue n’être jusqu’ alors jamais venu jusqu’à Venise et qui se demande « ce qu’il peut bien dire de plus »...Non, Monsieur Aliagas, vous nous en avez dit bien plus !
Jusqu’au 26 novembre 2023.