Vous consultez une archive !

Ron Mueck. Le réalisme extrême

Chez Ron Mueck (né en 1958 à Melbourne, qui vit à Londres), rien n’est sculpté à taille réelle. Lilliputien ou Gulliver, c’est selon son inspiration, mais surtout conçu pour éviter que son œuvre s’apparente à un portrait. Côté réalisme toutefois, difficile de le concurrencer. La palme de l’hyper-réalisme en sculpture lui revient depuis qu’il a véritablement bousculé notre regard dans les années 1990, poussant le réalisme jusqu’à représenter les pores et les poils de la peau de ses sculptures, hérissant les nôtres face à ces êtres de chair et d’humanisme.

Pour sa troisième exposition à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, après celles de 2005 et 2013, l’artiste présente sept œuvres, toujours dans des formats sous ou surdimensionnés. La plus extravagante et la plus grande qu’il ait jamais réalisée est Mass (2017), une œuvre commandée par la National Gallery of Victoria (Melbourne, Australie). Composée de cent gigantesques crânes humains d’un blanc éclatant, Mass est reconfigurée par l’artiste en fonction de l’espace pour chaque présentation. Cet amas de vanités semble à peine démesuré dans l’immense hall dessiné par Jean Nouvel pour la fondation Cartier, et finalement il n’inquiète guère dans cet espace hyper-lumineux, loin d’une ambiance de catacombes. On est en revanche beaucoup plus déstabilisés devant A Girl (2006), gigantesque nouveau-né de plusieurs mètres de long, portant encore son cordon ombilical sanguinolent, les yeux à peine entrouverts sur ce nouveau monde extra-utérin. La vie inquièterait-elle davantage que la mort ?

Le pendant mâle et minuscule (on notera la volonté -ou pas- de l’artiste dans cette différence de proportions et sa signification) se nomme Baby, 2000. On le découvre accroché au mur du sous-sol gardé par trois immenses chiens noirs menaçants (En Garde, 2023), deux fois plus grands que les visiteurs. À proximité, posé sur un socle, un groupe de cinq hommes tentent de maîtriser un cochon ; une bête deux fois plus grosse qu’eux et visiblement d’une belle puissance, nommée This Little Piggy (2023) par un Ron Mueck qui affectionne les paradoxes provocateurs.
Dans la dernière salle, scène à priori plus tranquille, mais non moins énigmatique et finalement angoissante avec Man in boat (2002), un homme nu, regard inquiet, bras croisés, assis à la proue d’une longue barque…pour une dérive sans horizon ? Ou une traversée sans retour du Styx ? La dernière œuvre est exposée dans le jardin de la Fondation, Dead Weight (2021), un crâne en fonte de près de deux tonnes, planté au milieu de la verdure. Prévisible retour de l’homme à la terre. Comme toujours, les œuvres de Ron Mueck, à la fois profondément mystérieuses et d’un réalisme extrême, nous confrontent à notre rapport au corps et nous invitent à méditer sur l’existence.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 8 juin au 5 novembre 2023
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261 bd Raspail 75014
Tous les jours de 11h à 20h, sauf le lundi.
Nocturne le mardi, jusqu’à 22h
Tarifs : 11€/7€
Tél. +33 1 42 18 56 50
https://www.fondationcartier.com


Visuels :
 Ron Mueck, Mass, 2017 (détail). Dimensions variables, Fibre de verre. Collection : National Gallery of Victoria (NGV), Melbourne, Australie.

 Ron Mueck, This Little Piggy (2023) Courtesy Thaddaeus Ropac.

 Ron Mueck, Man in a boat, 2002 (détail), Collection privée, Londres.
Photos : L’Agora des Arts