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Anton Prinner. Mystérieux sculpteur

Née femme à Budapest en 1902, Anton Prinner arrive en France à 25 ans, où elle prend une identité masculine. Décédé en 1983, l’artiste a emporté avec lui le mystérieux secret de l’abandon de son prénom. Le musée de l’Hospice Saint-Roch, qui a bénéficié en 2012 d’un don important de 22 sculptures et plâtres, peintures et dessins de l’artiste hongrois, présente quelques unes de ses œuvres. Il évoque l’étrange personnalité de cette femme formée aux beaux-arts de Budapest qu’elle fréquente avec le peintre Arpad Szenes, avant de construire toute sa carrière à Paris dans les habits d’un homme. Surnommé « le pic-vert » par Picasso, à cause de sa petite taille et des grandes statues en bois qu’il sculpte, Prinner ne retournera jamais en Hongrie. Souhaitait-elle échapper au machisme régnant dans le milieu artistique ou cette métamorphose obéissait-elle à un désir plus profond avec cet abandon de la féminité ? Le mystère de cette personnalité complexe se protégeant derrière l’armure de la masculinité reste entier. Son Autoportrait (1964) montre une personne esquissant un sourire malicieux, coiffée d’un béret, nous regardant fixement. Cette force émanant du regard se retrouve dans le Portrait de Viera da Silva au chat (1959) l’épouse d’Arpad Szenes et dans celui du Père Regamey (1959) les mains jointes formant un cœur, deux personnes aux yeux bleus, comme perdues dans des rêveries spirituelles. À côté de ces portraits réalistes, sa peinture est celle de l’abstraction avec Mille triangles n°1 (1940) ou Fenêtre n°2 (1964). Proche du constructivisme dans ses débuts de sculpteur (Construction en cuivre, 1935), Prinner se tourne vers la figuration avec le bronze Nu couché (1939) au corps distendu dans son allongement et ce plâtre de La vieillesse (sans date), un homme émacié, prostré, aux mains immenses. À la fin des années trente, son œuvre prend une orientation particulière, s’inspirant de l’art égyptien. Très proche des frères et galeristes Edouard & Pierre Loeb, esquissés sur un grand fusain à la manière d’Alberto Giacometti (vers 1945-1946), Anton grave pour le compte de Pierre Loeb les estampes de l’ouvrage L’Apocalypse (1948). Les quatorze planches ont été incisées sur du carton fort selon la technique de la « papyrogravure » qu’il invente en remplacement de la plaque de cuivre trop onéreuse.

Gilles Kraemer

Visuel : Anton Prinner, La vieillesse, plâtre, 111 x 69 x 44 cm. Collection musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 octobre au 30 décembre 2012
Commissariat Sophie Cazé
Musée de l’Hospice Saint-Roch - 36105 Issoudun
Mercredi au vendredi de 14h à18h, samedi et dimanche de 10h à 12h et 14h à18h
Entrée gratuite
Tél. 02 54 21 01 76
www.issoudun.fr

 


 Deux œuvres d’Anton Prinner : la sculpture en bois d’acajou « L’équilibriste » et l’encre sur papier « Nature morte » sont visibles à l’exposition L’art en guerre. France 1938-1947, actuellement au musée d’Art moderne de la ville de Paris (jusqu’au 17 février 2013).

 


 A voir aussi au musée de l’Hospice Saint-Roch : Marie-Pierre Thiébaut. Un sculpteur en étroite harmonie avec la nature. Du 20 octobre au 30 décembre 2012.