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Chiharu Shiota. Small room

Il est cruel de questionner un artiste sur les œuvres qu’il expose. N’y a-t-il pas tout dit ? C’est l’impression que donnait Chiharu Shiota (née en 1972, travaille à Berlin), paraissant bien moins que son âge dans sa petite robe noire et ses baskets confortables le premier jour de l’exposition de ses œuvres chez Daniel Templon. Dans son anglais plus qu’hésitant, revenaient comme un leitmotiv les mots mémoire, enfance, absence, passage du temps, émotion, souvenirs… Au fond, avec ces quelques mots, ne révélait-elle pas l’essentiel ?
L’exposition inclut quelques unes de ses boites arachnéennes de fil noir ou rouge qui emprisonnent un objet. Ici, un piano, là, un kimono, plus loin deux miroirs (votre propre reflet s’y retrouve capté/captif), là encore une robe blanche. Ou encore des sculptures abstraites, intersections de plans formés de ces enchevêtrements calculés et géométriques, de fil, blanc cette fois-ci. Sur un mur, quelques dessins, hésitant entre figuration et abstraction, comme des souvenirs qui affleureraient soudain à la mémoire de l’artiste et qu’il faudrait sauvegarder au plus vite.
Mais l’œuvre la plus étonnante occupe une pièce entière : une cascade de quelque 200 vieilles valises, pendues à des fils rouges, sous laquelle on peut se glisser, ce que recommande d’ailleurs l’artiste. Dans certaines, un petit moteur leur permet d’esquisser un semblant de danse au gré des mouvements des spectateurs. Alors que les empilements de valises prennent une connotation très spécifique pour le spectateur européen – tel celui de Fabio Mauri, vu il y a quelques années au Maxxi de Rome, référence oblique au Mur des Lamentations de Jérusalem- dans le cas de Chiharu Shiota, ils sont surtout un appel à la mémoire, aux souvenirs de voyages, aux lieux que l’on a quittés, à l’exil, aux jardins secrets de l’enfant ou de l’adulte, à un monde de souvenirs qui irrigue (ah ! ces fils rouges comme du sang) notre présent. Le titre même de l’exposition, Small Room lui vient d’une petite phrase de Kafka, « chacun porte une chambre en soi. »
On doit à Chiharu Shiota les décors du Tristan und Isolde que l’on entendra à Kiel (Allemagne) jusqu’au 13 juillet. Et c’est l’artiste japonaise qui représentera le Japon à la 56e Biennale de Venise du 9 mai au 22 novembre 2015, sur le thème « The Key in the Hand », pour lequel elle rassemble toutes les clés possible. Des clés pour s’échapper et explorer.

Elisabeth Hopkins

Visuel page expo : Chiharu Shiota, Dialogues, 2014, Installation de valises suspendues. Dimensions variables. Courtesy Galerie Daniel Templon.
Visuel accueil : State of Being (Suitcase), 2014. Boite en plexiglas, valise blanche, fil rouge
80 x 45 x 45 cm.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 7 juin au 26 juillet 2014
Galerie Daniel Templon
30, rue Beaubourg- Paris 75003
Entrée libre, du lundi au samedi
De 10h à 19h
www.danieltemplon.com