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Christo et Jeanne-Claude. Sculpture de barils

Des conteneurs empilés sous la verrière du Grand Palais lors de la dernière Monumenta (Huang Yong Ping. « Empires ».) et aujourd’hui, un massif empilement de mille barils de pétrole (vides) à Saint-Paul de Vence. Recyclage artistico-industriel ? Non, un projet remontant aux années 60 que le plasticien Christo (né en 1935), malgré la disparition en 2009 de sa partenaire en art et épouse à la ville, a su mener à terme pour la Fondation Maeght : la construction d’un mastaba qui occupe la cour Giacometti de la Fondation et est visible dès l’entrée dans les jardins. Des barils bleus rayés de rouge, dont les rangées supérieures émergent au-dessus du hall d’entrée, sur fond de pins et ciel céruléen. Ode à l’objet industriel, ennobli par la couleur, devenu objet d’art dialoguant avec la nature sans la polluer.

On connait les empaquetages de Christo et de Jeanne-Claude (le Pont-Neuf, le Reichstag, les murailles d’Hadrien à Rome), leurs spectaculaires interventions sur la nature, unland art essaimé dans le monde où ils enveloppent des îles, emballent une côte rocheuse ou illuminent de banderoles un parc new-yorkais. Des œuvres éphémères relevant d’une démarche purement esthétique sans être entachée de mercantilisme.

Les barils les inspirent depuis des décennies et sont devenus un élément essentiel de leur idiome. Dans un premier temps, les artistes en font des objets sculpturaux. On peut voir quelques-uns de ces assemblages minimalistes, natures mortes à la Morandi en trois dimensions, dans la première salle. Plus tard, ils les utilisent pour intervenir sur l’espace urbain. Leur premier projet, un mur de barils coupant la rue Visconti à Paris, ne survit que quelques heures. Le temps de photographier ce barrage de fer, critique du mur de Berlin érigé un an plus tôt. Et leur imagination de leur suggérer des structures en barils pour barrer le Canal de Suez, griffer le lac Michigan ou occuper un gazomètre allemand. Certains restent au stade de projet. Du mur, les artistes passent au mastaba mésopotamien – deux murs verticaux, deux plans inclinés, sur une base rectangulaire –imaginé, dessiné, mais souvent non abouti. Le mastaba de la Fondation fait écho à ce qui sera la seule œuvre permanente de Christo et Jeanne-Claude. Un mastaba géant dans le désert d’Abu Dhabi, construit avec plus de 400 000 barils dont les couleurs dialogueront avec celles du sable et du ciel de l’émirat. « Plus haut que la pyramide de Khéops » précise l’artiste.

L’exposition elle-même rassemble bon nombre de ces dessins de projets avec barils (toujours exécutés par Christo). Étrangement, on se laisse prendre par cette poésie de l’objet industriel, par cette complexité technique mise au service de l’éphémère, on se passionne pour les statistiques, les mesures, la configuration des couleurs, la provenance des barils, leur destinée lorsque l’œuvre sera démantelée. Une salle est réservée aux photos en noir et blanc des promenades dans le désert de ce couple imaginatif et fusionnel que l’on voit bondir d’un même élan au sommet des dunes sur lesquelles pèsera bientôt leur gigantesque mastaba.

À voir pour comprendre l’envergure et la profondeur de pensée de ces exceptionnels artistes.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Christo devant le Mastaba de la Fondation Maeght en construction. Photo Wolgang Volz. © Christo 2016.
Le Mastaba de la Fondation Maeght. Photo Wolgang Volz. © Christo 2016.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 4 juin au 27 novembre 2016
Fondation Marguerite et Aimé Maeght
623 Chemin des Gardettes
06570 Saint-Paul de Vence
Ouvert tous les jours de 10h à 19h (18h à partir du 1er octobre)
Entrée : 15 €
www.fondation-maeght.com