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Damien Hirst. Treasures from the Wreck of the Unbelievable

Est-ce vraiment une exposition que ce voyage mystificateur à travers une Histoire et un Temps imaginaires pour lequel vous embarquez ?

Premier choc au Palazzo Grassi : à l’entrée de ce projet artistico-commercial démesuré du bad boy de l’art contemporain, Demon with bowl (Exhibition enlargement). La statue titanesque de 18m en résine peinte à allure de bronze monopolise l’atrium (voir sur YouTube le timelapse de son montage). Puis des vidéos sous-marines vous invitent à rejoindre des plongeurs vidant une épave chargée de trésors qui repose au large de l’Afrique de l’Est depuis 2000 ans et ne fut découverte qu’en 2008. Car telles sont les prémices contées dans la documentation qui vous est remise. Vous pouvez alors, entre le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana, découvrir 189 objets de bronze, marbre, argent massif ou résine peinte, prétendument récupérés sur l’épave (voir, au Palazzo, la maquette du fictif « L’Incroyable » et de son trésor à fond de cale), envahis par coquillages, algues et concrétions de corail coloré que Damien Hirst a créés, inventés et fait fabriquer avec un bon zeste d’humour et beaucoup de mégalomanie. On passe d’un calendrier du genre aztèque à un sphinx égyptien, à un buste de pharaon aux traits de…Pharell Williams, à un Neptune bien romain et à un autoportrait de l’artiste avec son meilleur ami, Mickey, eux aussi bouffés par le corail doublement millénaire. La mystification est alors évidente, mais, avouons-le, on avait aimé s’y laisser un peu prendre, en particulier avec les bijoux, les armes et les monnaies présentés comme dans le meilleur des musées mais faits d’ aluminium thermo-laqué, de silicone et d’acier inoxydable (ah, si on avait lu la notice avant), ou les coquillages gigantesques déployés en corolles blanches. Hirst s’en donne à cœur joie pour remplir les deux sites qui lui ont été entièrement confiés par François Pinault, propriétaire des lieux et d’œuvres de l’artiste depuis belle lurette.

Une fois comprise la règle du jeu (définie par la commissaire : « Quelque part entre la vérité et le mensonge, repose la vérité et c’est à chacun de nous, visiteurs, de décider ») et sans bouder votre plaisir, vous vous amuserez, admirerez la créativité de l’artiste et surtout l’ingéniosité de ses artisans ; et, bien sûr, vous vous demanderez ce que cela a bien pu coûter (on a avancé le chiffre de 50 millions de dollars sortis de la poche de Hirst, mais assurance et transport auraient été à la charge de M. Pinault).

Est-ce vraiment de l’art comme l’assène Takashi Murakami, présent au vernissage ? Ou un coup magistral pour renflouer l’artiste ? Mais qui pourrait bien le couler aussi…Les œuvres seront offertes aux enchères après l’exposition. Y aura-t-il un acheteur pour les 18m de l’encombrant Demon ? Spéculation ou mode, on est prêt à parier que les œuvres trouveront facilement acquéreur, surtout les exquis petits formats en argent et peinture, tel Huehueteotl and Olmec dragon que l’on trouve au Palazzo.

Pour la petite histoire, deux artistes accusent déjà Hirst de plagiat : Jason de Caires Taylor, présenté au pavillon de la Grenade non loin de la Punta, trouve que les sculptures sous-marines de Hirst ressemblent un peu trop à son propre travail sous-marin ; et un artiste nigérian l’accuse d’appropriation d’un buste d’un roi yoruba du 14e siècle pour l’œuvre intitulée Golden Heads (Female). À suivre.

Elisabeth Hopkins

Visuels page expo : Damien Hirst, Sphinx. Image : Photographed by Prudence Cuming Associates.
Damien Hirst, Unknown Pharaoh (détail). Image : Photographed by Prudence Cuming Associates.
Damien Hirst, Hydra and Kali Discovered by Four Divers. Image : Photographed by Christoph Gerigk.
All images © Damien Hirst and Science Ltd. All rights reserved, DACS/SIAE 2017

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 9 avril au 3 décembre 2017
Palazzo Grassi, Campo San Samuele
Punta della Dogana, Dorsoduro 2,
Venise
Ouvert tous les jours, sauf le mardi
De 10h à 19h
www.palazzograssi.it


 À voir aussi à Venise : 57e Biennale, « Viva arte viva ». Jusqu’au 26 novembre 2017.
Lire le reportage d’Elisabeth Hopkins.