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Marlene Dumas. The Image as Burden

Elle est blonde et mousseuse comme son autoportrait, The Sleep of Reason (2009). Souriante, elle gesticule gaiement lorsqu’on l’interroge sur ses œuvres. Mais elle tourne autour du pot, et l’on sent qu’elle a envie de conseiller tout simplement de regarder ses toiles, de s’en imprégner, de se créer sa propre interprétation et peut-être de les aimer…Marlene Dumas (née en Afrique du Sud en 1953, travaille à Amsterdam), défiant les modes de l’abstraction, de l’installation, des médias insolites, continue à déposer ses huiles aux apparences et couleurs d’aquarelle sur ses toiles. Et on aime.
La Fondation Beyeler, à la suite du Stedelijk Museum d’Amsterdam et de la Tate de Londres, offre un vaste panorama de son œuvre depuis les années 70. Une centaine de peintures, collages et œuvres sur papier, centrés sur la figure humaine, ont été accrochés suivant les indications de l’artiste. Archiviste dans l’âme, Marlene Dumas s’est constitué un fonds d’images, photos de presse, reproductions de tableaux, images de films, photographies de famille ou d’amis, où elle puise son inspiration. Omniprésent car sur l’affiche, en couverture du catalogue, et en ouverture de l’exposition, The Painter (1994), est inspiré par une banale photo. Transparence des couleurs, fluidité du pinceau, expression fermée de l’enfant aux mains trempées de peinture, ce portrait de la fille de Marlene Dumas est peut-être une métaphore pour le travail du peintre pudiquement camouflée derrière la frimousse boudeuse.
Sur les cimaises blanches s’espacent les visages, en très gros plan, parfois dans des poses insolites, occupant toute la toile. Leur regard nous échappe ou nous capte. Plus loin, une série d’une centaine de visages noirs, à l’encre sur papier, occupe un mur entier, hommage à la négritude dans son pays d’apartheid natal ; les grandes Marie-Madeleine sombres occupent ici un vaste pan de mur obturant une grande baie vitrée, comme si la lumière du jour pouvait violer l’intimité de ces femmes retranchées dans leur longue chevelure. Au fil des salles, des portraits assez surprenants, un Ben Laden bienveillant, une Amy Winehouse tragique mais sereine, une Ulrike Meinhof terrorisante dans la mort, puis des scènes de groupe plus politiques, en Afrique ou en Israël, sorties des archives de presse de l’artiste. Enfin, reprenant le format horizontal d’Holbein, un Christ mort. Aboutissement de la série (In Search of) The Perfect Lover (1994), un ensemble de petites scènes autour du thème de la crucifixion du Christ, une exploration de l’érotisme latent du crucifié venu pour répandre l’amour. Mort et sexe omniprésents, Christ distant mais désiré, brutalités de l’Histoire, Marlene Dumas ne nous épargne rien des diverses facettes de notre monde. Ses toiles nous émeuvent, leurs titres nous intriguent : est-ce sa palette ? Le mouvement abandonné de son pinceau sur la toile ? L’intimité entre l’artiste et son sujet ? La nécessité discrète de témoigner qui l’occupe ? On sort de l’exposition stimulé et admiratif. À ne pas manquer.

Elisabeth Hopkins

A voir aussi à la Fondation Beyeler, jusqu’au 28 juin 2015 : Paul Gauguin.

Visuel page expo : Marlene Dumas, The Painter, 1994. Huile sur toile, 200 x 100 cm. The Museum of Modern Art, New York, don partiel et promis de Martin et Rebecca Eisenberg © Marlene Dumas. Photo : Peter Cox, © 2015, ProLitteris, Zurich.
Visuel vignette : Marlene Dumas, Broken White, 2006 (détail). Huile sur toile, 130 x 110 cm. Courtesy Gallery Koyanagi © Marlene Dumas. Photo : Peter Cox, © 2015, ProLitteris, Zurich.

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 31 mai au 6 septembre 2015
Fondation Beyeler
Baselstrasse 77- CH-4125 Riehen/Basel
Ouvert tous les jours de 10h à 18h
Nocturne le mercredi jusqu’à 20h
Entrée. CHF/ € 28.
Tel : + 41 (0)61 645 97 00
www.fondationbeyeler.ch

 

 Catalogue en anglais ou en allemand. 196 pages, 258 illustrations. Édité conjointement par Leotine Coelewij (Stedelijk Museum) ; Helen Sainsbury (Tate Modern)et Theodora Vischer (Fondation Beyeler). 38€