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Picasso. Bleu et Rose

C’est un tout jeune Picasso (1881-1973) qui s’offre à nous au musée d’Orsay, stimulé dans sa créativité par son arrivée à Paris en 1900. Il doit y représenter l’Espagne dans la section peintures de l’Exposition Universelle. Son tableau grand format, Derniers Moments, 1899, sera repeint et deviendra La Vie, 1903, pièce majeure ici (première exposition en France), avec ses multiples interprétations possibles. Picasso ne pose pas encore ses pinceaux à Paris, et continue ses allers et retours vers son pays natal.

De 1901 à 1906, années illustrées ici par quelque 80 peintures, plus d’une centaine de dessins, 24 estampes et quelques sculptures, sa palette passera des couleurs pré-fauves aux monochromes bleus et aux variations roses, puis ocres.
Dès son arrivée à Paris, Picasso découvre David, Delacroix et Ingres, et Manet, et les Impressionnistes, mais aussi Toulouse-Lautrec et Van Gogh dont l’influence stylistique se manifeste dans deux autoportraits, allant jusqu’à s’y affubler, sur l’un d’un haut-de-forme, sur l’autre, d’une barbe rousse. En court séjour à Madrid, c’est plutôt à Velázquez qu’il fait référence (La femme en bleu, 1901). Revenu à Paris, il se définit peu à peu en travaillant pour Ambroise Vollard chez qui il expose une soixantaine de toiles aux thèmes bien parisiens contrastant avec les impressions espagnoles du peintre basque Francesco Itturino.

Déjà, le bleu envahit sa palette, “c’est en pensant que Casagemas était mort que je me suis mis à peindre en bleu,” dit-il à Pierre Daix, en parlant de l’ami intime qui vient de se suicider. Un bleu inspiré aussi par ses visites à la prison pour prostituées de Saint-Lazare. Bleu, couleur de la tristesse, de la solitude, voire solitude à deux comme Pierreuses au bar, 1902. Les modèles sont faméliques, courbés sous le poids du destin. Mais Eros n’est pas loin, que Picasso taquine dans des dessins rapidement esquissés, scènes de bordels qui culmineront en 1907 avec Les Demoiselles d’Avignon. Eros et Thanatos, explorés tour à tour.

En 1904, Picasso s’installe au Bateau-Lavoir, entouré d’artistes et de poètes ; sa gamme chromatique s’élargit presque insensiblement. Il ne reste plus qu’un fond bleu pour La femme à la corneille, 1904, sur lequel se détache son vêtement rouge. C’est aussi l’année des « Saltimbanques » : des « Arlequins », des gens du cirque, peints, dessinés, gravés, sculptés. Les huiles sont empreintes de gravité, de mélancolie et de douceur, l’atmosphère est rosée comme les ciels de l’Ile de France à la brune, servie par l’utilisation simultanée de la gouache, du pastel et de l’aquarelle (Famille de saltimbanques avec un singe, 1905). Ce tableau, acheté par Léo Stein, marque le début de la grande amitié entre le peintre, Léo et sa sœur Gertrude.

Lorsqu’à l’été 1906, Picasso séjourne à Gósol, dans les Pyrénées catalanes, c’est encore un nouveau style qu’il embrasse. Il revient au classicisme méditerranéen, avec des formes vigoureuses, en peinture comme en sculpture (Nu aux bras levés, 1906). De Gósol, il rapportera des portraits de Fernande, sa compagne, et des esquisses qui lui serviront pour Les Demoiselles d’Avignon, dénudées, africanisées, dans un espace déstructuré, annonciatrices de la révolution cubiste.

Elisabeth Hopkins

 Cette exposition est coproduite par le musée d’Orsay et le musée national Picasso-Paris. Elle sera également présentée à la Fondation Beyeler à Bâle, du 3 février au 26 mai 2019.
 À voir aussi à Paris : Picasso chefs-d’œuvre. Musée national Picasso.

Visuels : Pablo Picasso (1881-1973), Autoportrait en haut de forme, 1901. Huile sur papier. H. 50 - L. 33 cm. Collection particulière © Succession Picasso 2018.
Pablo Picasso, La Vie, 1903, huile sur toile, 239 x 170 cm. © Photo Scala, © Florence Succession Picasso, 2018.
Pablo Picasso, Femme à la corneille, 1904. Gouache et pastel sur papier. H. 65 - L. 49,5 cm. Toledo Museum of Art © Toledo Museum of Art © Succession Picasso 2018.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 18 septembre 2018 au 6 janvier 2019
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 18h,
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
Fermé le lundi et le mardi 25 décembre 2018
Entrée :14 €
www.musee-orsay.fr