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Pieter Pourbus et les maîtres oubliés, au XVIe siècle à Bruges

Nous sommes en Flandre, au milieu du 16e siècle. Tout le monde n’a d’yeux que pour Anvers. Bruges, qui fait face à une récession économique avec un secteur textile en stagnation, est désormais plongée dans l’ombre de sa rivale. Les négociants étrangers quittent la ville, comme nombre d’artisans et d’habitants, la plupart des jeunes talents artistiques filent s’établir à Anvers, qui profite de l’occasion pour s’autoproclamer nouvelle capitale de l’art en Flandre.

Certes, Bruges jouit encore d’une renommée internationale pour son patrimoine et sa tradition artistique, mais l’âge d’or de la ville, celui du quinzième siècle des Primitifs flamands (Jan van Eyck, Petrus Christus, Hans Memling et Gerard David) initiateurs de la nouvelle peinture à l’huile permettant un rendu méticuleux des détails et des effets de glacis, semble définitivement révolu. Toutefois, une petite élite de bourgeois brugeois bien décidés à résister, passe des commandes d’œuvres d’art à des artistes locaux comme Pieter Pourbus et les membres de la famille Claeissens. Pour ces artistes qui ont vu le nombre de commanditaires fondre, c’est un défi à relever. Ils vont créer des œuvres majeures, entre tradition et innovation, afin de confirmer que Bruges n’a rien perdu de son aura et que la créativité des artistes en ces temps de disette reste intacte. C’est l’un des objectifs de l’exposition Pieter Pourbus et les maîtres oubliés de nous faire redécouvrir ces artistes oubliés.

Pieter Pourbus en est le chef de file. En plus d’être peintre, il est cartographe, géomètre et ingénieur. Né à Gouda, il s’est installé à Bruges en 1540, a été admis en tant que maître étranger au sein de la Guilde de Saint-Luc de la ville en 1543. Soutenu certainement par le peintre Lancelot Blondeel dont il a épousé la fille, Pourbus s’est vite fait connaître auprès des notables locaux, pour son art des portraits (Portraits de Jan van Eyewerve et de sa femme Jacquemyne Buuck, 1551). Pourbus excelle également dans les scènes allégoriques et religieuses comme le Jugement Dernier (1551), la Vierge des Sept-Douleurs (1556), réalisée en collaboration avec son beau-père et surtout l’Annonciation (1552) ; une peinture d’une grande qualité d’exécution, et dont le rendu des plis des tissus évoque déjà une influence maniériste.
À la tête d’une famille de peintres, Pieter Pourbus va former son fils Frans Pourbus 1er et son petit-fils Frans Pourbus II (dont deux huiles sur toile représentant Marie de Médicis sont visibles dans l’exposition « Rubens, Portraits princiers » à Paris). À Bruges, son Portrait d’un homme et sa femme (1591), -en l’occurrence deux tableaux en diptyque-, attire le regard, tout particulièrement par le réalisme et la précision quasi dermatologique du visage de l’homme sur lequel on peut compter tous les poils de la moustache et de la barbe. L’illusion du réel qui fit la gloire des Primitifs flamands vit encore.
Autre révélation de cette exposition, Pieter 1er Claeissens, également chef de file d’une famille d’artistes. Parmi les œuvres les plus remarquables, une série de petits portraits de la main de l’un de ses fils, Gillis Claeissens (récemment identifiés par le monogramme G/E.C), des œuvres évoquant l’opulence à travers les soieries et les bijoux. Des représentations précieuses et raffinées, propres à séduire la noblesse.

Si l’exposition Pieter Pourbus et les maîtres oubliés est une excellente occasion d’aller à Bruges, la richesse de ses autres musées, (l’Hôpital Saint-Jean et ses chefs d’œuvre de Memling) et de l’Eglise Notre-Dame (Madone à l’Enfant de Michel-Ange), le charme du Béguinage et les petits canaux qui baignent cette cité médiévale complèteront le plaisir du voyage.

Catherine Rigollet

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 octobre 2017 au 21 janvier 2018
Groeningemuseum
Dijver 12, – 8000 Bruges (Belgique)
Du mardi au dimanche, de 9h30 à 17h
Tarif plein : 8€
www.museabrugge.be
www.visitbruges.be


 A lire : Catalogue « Forgotten Masters, Pieter Pourbus and Bruges. Painting from1525 to 1625 ». Ed. Snoeck. (version anglaise). 350 pages illustrées.


Visuels :

 Pieter Pourbus, Annonciation, 1552. Huile sur panneau, Gouda, Museum Gouda ©Museum Gouda / Tom Haartsen.

 Gillis Claeissens, Portrait d’un noble inconnu, ca. 1575. Huile sur panneau. Stockholm, Hallwylska Museet © Hallwylska Museet, Stockholm.

 Pieter II Claeissens, Maria Magdalena, 1602. Huile sur panneau, collection privée ©Collection privée.